Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/340

Cette page n’a pas encore été corrigée

et s’extasiait devant les tableaux de Gros et d’Horace Vernet, ce qui lui valut force coups. De très bonne heure, il aima passionnément la lecture et se mit à lire tout ce qui lui tombait sous la main, surtout « les petits livres à six sous, que l’on voit sur les parapets des ponts ». Il fit de bien mauvaises lectures qui faillirent le corrompre, mais les grandes œuvres, « de Marc-Aurèle à Fénelon et de Socrate à saint Vincent de Paul, et surtout Rousseau, le sauvèrent et l’aidèrent à toujours ramener sa vie au bien et au vrai ».

En voyant la misère ambiante, la dignité humaine humiliée, tous les droits de l’homme rabaissés, les plaisirs grossiers, le malheur et le dur labeur ininterrompu, sans espoir d’assurer aux plus honnêtes, aux plus laborieux une vieillesse paisible, il conçut l’idée de relever la classe ouvrière, si déchue, et il voua toute sa vie à cette œuvre. Il tâcha d’éclairer ses compagnons, de leur prêcher par l’exemple, par la parole et par ses écrits, la rénovation morale. Toute sa vie il resta simple ouvrier par principe, bien qu’il pût devenir maître. Il fonda diverses associations et compagnonnages, puis un journal, l’Atelier, où il rédigea des articles sur la question qui le préoccupait constamment : le relèvement moral et matériel de la classe ouvrière. Après la révolution de Février, il fut envoyé par le gouvernement provisoire dans le Berry et le Busançais avec la commission délicate d’y « pacifier les esprits », parce que le souvenir des épisodes trop récents de la Révolution et de sa fin sanglante mettait la population en émoi.

Lors des élections à l’Assemblée nationale il eut jusqu’à-vingt mille voix, mais avant les élections définitives les réactionnaires ne lui épargnèrent ni les insinuations, ni les calomnies. On le persécuta plus encore, après les journées de juin, auxquelles il ne prit aucune part. Alors qu’il se rendait avec ses enfants chez le vieux père Magu, il fut subitement arrêté et incarcéré pendant plus de cinq mois, cela sans aucune instruction judiciaire préliminaire ; il comparut enfin devant un tribunal militaire, accusé d’anarchisme et d’instigation à l’émeute. Heureusement la fausseté de ces accusations étant aisément