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Ma brave madame Sand,

Vous sachant de retour à Paris, je m’empresse de vous écrire pour vous souhaiter la bonne année et aussi de vous remercier pour la gentille notice qu’on peut lire maintenant en tête de la nouvelle édition de mes poésies. Je ne sais vraiment comment vous avez fait pour trouver tant de jolies choses à dire en ma faveur et le lecteur le plus blasé en fait de vers ne pourra se défendre de lire les miens s’il lit les quelques pages que je dois à votre bienveillante amitié : la cousine est aussi bien contente de voir qu’elle va avoir une réputation et qu’elle vous le devra.

J’ai vendu l’édition entière à l’éditeur. Charpentier, Gilland vous dira nos conditions. Ce pauvre Gilland, sa santé se perd, il a été malade une partie de l’été. Le médecin n’a pas hésité pour lui dire que l’excès du travail en était la seule cause ; qu’il devrait s’abstenir d’écrire et prendre plus de repos. Du repos !… quand chaque semaine on vient lui diminuer le prix de main-d’œuvre, et ne pas savoir où cela s’arrêtera ! Lui, qui a de l’intelligence, de la conduite, c’est une petite place, un petit emploi qu’il lui faudrait. La personne qui lui confierait ses intérêts n’aurait qu’à se louer de lui avoir donné sa confiance. J’ose donc vous le recommander, puisque vous le connaissez déjà et qu’il est assez heureux d’être estimé de vous.

Recevez, madame, avec nos vœux bien sincères pour votre bonheur, l’assurance de ma profonde estime et de ma vive reconnaissance.

Magu, tisserand.
À Lizy-sur-Ourcq, le 3 janvier 1845.

Parlons maintenant de ce gendre de Magu, non moins intéressant que le vieux tisserand et le maçon de Toulon, — parlons du jeune serrurier Gilland.

Jérôme-Pierre Gilland naquit en 1815 d’une famille de bergers, dans la petite commune de Sainte-Aulde (Seine-et-Marne). Pauvre, il ne put fréquenter l’école que pendant trois hivers ; dès l’âge de huit ans, avant de savoir écrire, il dut travailler de ses mains. Son père, ayant failli perdre son bras, vint s’installer à Paris, pour se faire opérer. On plaça Pierre-Jérôme comme apprenti chez un bijoutier, parce qu’il était doué pour le dessin ; il rêvait de devenir peintre ; en faisant des commissions, il s’arrêtait devant les devantures des magasins de gravures