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n’en tiendrez pas moins votre promesse, parce que vous êtes bonne et désintéressée pour notre cause.

Veuillez dire à la cousine si je puis espérer cette préface pour le courant de l’été, ce qui serait à désirer pour moi. Perrotin ne voudra sûrement pas se charger de l’édition et je ne suis pas peu embarrassé sur le choix d’un éditeur. J’ai peur de tomber en mauvaises mains et de voir s’évanouir en fumée les mille francs légués par mon pauvre ami Chopin. Comment faire ?

Je vais m’occuper du choix des pièces pour la nouvelle édition et des corrections à faire à quelques-unes ; mais ces corrections seront peu nombreuses, je ne veux pas faire disparaître ce caractère d’originalité qui m’a valu ma réputation.

Portez-vous bien et bon voyage ; pensez un peu à moi et veuillez me croire votre bien sincère et dévoué serviteur et ami.

Magu, tisserand.
À Lizy-sur-Ourcq, le 17 avril 1844.


Mme Sand écrivit effectivement la préface de l’édition nouvelles des Poésies de Magu qui parut dans les tout derniers jours de 1844, mais fut datée de 1845.

Le plus naïf et le plus aimable de ces poètes nouvellement éclos au sein du peuple, dont nous avons déjà plus d’une fois signalé l’avènement, dit Mme Sand dans cette préface, c’est le bonhomme Magu…

Il précéda de beaucoup d’années Beuzeville et Lebreton, Poncy, Savinien Lapointe et même, je crois, Durand…

Il s’inspirait de La Fontaine ; il avait deviné Béranger et, sans atteindre ni l’un ni l’autre, il ne restait en arrière de personne dans la sphère de ses idées et dans la nature de son talent. Moins habile à manier la langue nouvelle que Poncy et Lapointe, brillants produits de l’école romantique, il chantait dans la vieille bonne langue française, dont il a conservé le tour naïf et clair, l’heureuse concision et la grâce enjouée. On a reproché quelquefois avec raison à nos jeunes poètes prolétaires de manquer de cette originalité qu’on devait attendre de la race nouvellement initiée aux mystères de la poésie. On exigeait de ceux-là, à la vérité, plus que le progrès des idées ne pouvait leur inspirer encore. On voulait des miracles, un langage à la fois énergique et grandiose, des formes toutes nouvelles, un élément inconnu jusqu’ici, apporté d’emblée par eux dans la poésie dès le premier essai…

Mais ce n’est pas ici le lieu de soulever de si chaudes questions :