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seul ; Durand cachait soigneusement les siennes dans une boîte, parmi ses outils ; M. Michaux, procureur du roi à Fontainebleau, en fit la découverte par hasard ; il en est à peu près de même en ce qui regarde Lebreton.

C’est, selon M. Lerminier, le lot de la classe moyenne qui n’est ni la proie de la misère ni de l’ignorance qui entravent dans les classes ouvrières l’essor de la pensée, de tout voir et de tout dire, etc. Cela est très flatteur pour cette classe, mais ne nous empêchera pas de lui disputer ce monopole, et peut-être le ferons-nous avec avantage, surtout avec des soutiens tels que vous et vos collaborateurs.

J’ai encore un peu de votre excellent tabac, mais, pour le conserver, il m’a fallu prendre des précautions ; imaginez-vous, madame, que dans plusieurs sociétés dont je faisais partie à Paris, je disais, en bourrant ma pipe : « Voilà du tabac de Mme George Sand », alors chacun de me demander de mon tabac pour faire une cigarette, et les bras de s’allonger pour saisir ma boîte ; quoique surpris que tant de gens manquassent de tabac à la fois, je vis, aux grimaces de plusieurs, qu’ils fumaient pour la première fois ; je leur demandai pourquoi ils choisissaient ce jour pour commencer, tous me répondirent que c’était parce que ce tabac venait de vous. Depuis, je suis sur mes gardes. Avez-vous vu M. Perrotin ? L’avez-vous décidé à m’acheter mon reste d’exemplaires ? ce qui serait bien à désirer pour moi. Je lui céderais le tout à un prix très avantageux ; comme je vous l’ai dit, madame, mes livres n’ont pas encore paru dans le commerce de la librairie. Lyon, Bordeaux, Nantes, Lille, Marseille, etc., où je suis connu comme à Paris, n’ont pas vu mon ouvrage. Un éditeur intelligent ne manquerait pas de tout placer en moins d’une année, et je donnerais à un honnête homme comme M. Perrotin tout le temps qu’il me demanderait pour payer.

Une dame de charité de la paroisse de Saint-Roch m’avait prié de lui faire (l’an passé) un cantique pour le mois de Marie ; cette dame montra ce cantique à la reine, qui le garda et me recommanda au ministre de l’instruction publique ; pour remercier cette princesse, je lui envoyai mon (déchirure) volume ; elle vient, pour me remercier à son tour, de m’envoyer cent francs, et moi, pour la remercier de nouveau, je viens de lui adresser trois cantiques en l’honneur de Mme la Vierge ; j’ai joint à cet envoi une douzaine d’alexandrins en forme de dédicace. Nous verrons qui se lassera de remercier.

Pardonnez-moi, madame, ce long bavardage, mais c’est aujourd’hui dimanche et je me repose agréablement en vous écrivant.

J’ai l’honneur d’être tout simplement votre admirateur et serviteur dévoué.

Magu, tisserand.