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tait que ce « roi des chansonniers » avait fort sympathiquement accueilli les premiers essais de Poncy et elle citait la lettre qu’il avait écrite à ce dernier deux ans auparavant, à propos de son Ode à Béranger, imprimée dans la Revue indépendante. Béranger, qui avait toujours hautement apprécié George Sand[1], écrivit à la grande romancière, à propos de ces lignes flatteuses, la lettre que voici :


À madame George Sand.
1er mars 1844.

Ah ! madame, que de belles choses vous avez la bonté de dire sur mon compte dans votre excellente préface. N’allez pas croire que je veuille faire la petite bouche ; de votre part, un semblable éloge me fait trop de plaisir pour que j’en rabatte d’un mot. Quelques-uns (des flatteurs, peut-être) m’accusent de modestie. Mais aujourd’hui j’accepte toutes vos louanges, et ma vanité s’en donne à cœur joie. En rira qui voudra : toujours suis-je sûre d’avoir bon nombre d’envieux, chose rare dans un temps où la satisfaction de soi rend l’envie un acte d’humilité qui ne doit convenir qu’à peu de monde. Sans cela, madame, combien d’envieux n’auriez-vous pas vous-même par une foule de raisons que je vous dirais bien, s’il n’était ridicule de vous louer, lorsque je viens vous témoigner ma reconnaissance du bien que vous pensez de moi. Il est plus convenable, madame, de vous parler de Poncy. Je suis complètement de votre avis : ce second volume est supérieur au premier. La correction du style est plus grande ; il y a plus de force et de pensée ; enfin l’enfant s’est fait homme, et homme des plus distingués. Une bonne fée a passé par là, bonne fée qui n’est pas moins secourable aux idiots qu’aux hommes de talent, et qui pourtant semble ignorer tout son pouvoir. C’est le seul reproche que je lui fasse, car je suis si malheureusement né, qu’il faut toujours que je trouve quelque chose à reprendre aux objets de ma plus profonde admiration.

Adieu, madame, avec mes sincères remerciements, agréez l’hommage de mon respectueux dévouement.

BÉRANGER.
  1. On trouve entre autres une opinion très intéressante et éminemment sympathique de Béranger sur George Sand dans le volume de Napoléon Peyrat, Béranger et Lamennais (Paris, Meyrueis, 1861), et surtout dans la lettre de Béranger à Peyrat, datée du 20 mars 1834, dans laquelle il appelle Mme Sand : « la reine de notre nouvelle génération littéraire ».