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part de ces classes éclairées (jusqu’à ce jour), qui mériteraient de retomber dans l’abrutissement, si Dieu n’était pas tout pitié, toute patience et tout pardon…

… Je vous disais donc que vous aviez résolu la difficulté toutes les fois que vous avez parlé du travail. Maintenant il faut marier partout la grande peinture extérieure à l’idée mère de votre poésie. Il faut faire des marines ; elles sont trop belles pour que je veuille vous en empêcher ; mais il faut, sans sacrifier la peinture, féconder par la comparaison ces belles pièces de poésie si fortes et si colorées. Vous avez rencontré parfois l’idée, mais je ne trouve pas que vous en ayez tiré tout le parti suffisant. Ainsi la plupart de vos marines sont trop de l’art pour l’art, comme disent nos artistes sans cœur. Je voudrais que cette impitoyable mer que vous connaissez et que vous montrez si bien fût plus personnifiée, plus significative, et que par un de ces miracles de la poésie que je ne puis vous indiquer, mais qu’il vous a été donné de trouver, les émotions qu’elle vous inspire, la terreur et l’admiration, fussent liées à des sentiments toujours humains et profonds. Enfin il faut ne parler aux yeux de l’imagination que pour pénétrer dans l’âme plus avant que par le raisonnement…

… Quant aux vers que vous m’adressez, je les garde pour moi jusqu’à nouvel ordre. J’y suis sensible et j’en suis fière. Mais il ne faut pas les publier dans le prochain recueil ; cela me gênerait pour le pousser comme je veux le faire. J’aurais l’air de vous goûter parce que vous me louez…

… Si je suis sévère pour le fond, il faudra que vous soyez courageux et patient. Il ne s’agit pas de faire un second volume aussi bon que le premier. En poésie, qui n’avance pas recule. Il faut faire beaucoup mieux. Je ne vous ai pas parlé des taches et des négligences de votre premier volume. Il y avait tant à admirer et tant à s’étonner que je n’ai pas trouvé de place dans mon esprit pour la critique. Mais il faut que le second volume n’ait pas ces incorrections. Il faut passer maître avant peu…

… N’écrivez que quand l’inspiration vous possède et vous presse.

Nous trouvons aussi des pensées et des conseils extrêmement remarquables dans la lettre de Mme Sand, datée du 21 janvier 1843. Mme Sand explique à Poncy qu’il a tort de lui en vouloir de son silence. D’abord elle a souffert de son ophtalmie, puis elle a peu de loisirs et n’a jamais aimé la correspondance sans but ou plutôt elle n’aime à écrire que lorsque sa lettre peut faire quelque bien, en général elle a « fermé à clef son expansion comme un trésor contenant ce qu’on a de plus précieux et