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Nous apprenons donc de la bouche même de George Sand que ce n’est qu’en l’espace de cinq années que s’accomplit sa pleine et entière adhésion aux idées philosophiques de Leroux, mais aussi que dès leur première entrevue elle se sentit pénétrée par un respect illimité pour la personnalité morale du maître. Il arriva donc pour Leroux presque la même chose que pour Michel : l’individualité du nouvel apôtre la fit s’incliner d’abord devant l’apôtre lui-même, et plus tard devant sa doctrine. Nous croyons même que George Sand lui octroyait dans son imagination des qualités qu’il ne possédait peut-être point et qu’elle ne s’apercevait pas de beaucoup de choses assez peu attrayantes qu’il y avait en lui : il manquait de délicatesse dans les questions matérielles, avait une certaine tendance assez mesquine à rattacher toutes ses malchances personnelles aux « grandes questions sociales », à quémander assez prétentieusement et toujours « de par ses principes », au lieu de simplement confesser ses misères et de demander aide, enfin il avait un certain faible pour les potins. Nous croyons pouvoir affirmer que c’est Leroux qui fut la cause finale de la rupture entre George Sand et Mme d’Agoult et du refroidissement survenu entre elle et Lamennais. Il paraît avoir tant soit peu jalousé l’influence de Lamennais sur George Sand et ne perdait aucune occasion de médire de lui, soit directement, soit indirectement. Il colportait sur son compte des racontars propres à envenimer les relations entre le grand réfractaire religieux, leur ami commun et leur co-éditeur, et son admiratrice, George Sand. Et malheureusement il y réussit assez ! Nous donnons plus bas deux lettres à ce sujet. Plus tard Leroux se plaignit, à George Sand encore, de Louis Viardot, un peu plus tard encore il se plaignit d’elle-même à quelqu’un de leurs amis communs et dut s’en excuser auprès d’elle !… Mais George Sand semble réellement ne s’être point aperçue de ces défauts de Leroux, ou elle les lui pardonnait au nom de ses qualités, rares et grandes. Elle admirait surtout, comme il paraît, sa foi ardente au progrès, qui allait parfois jusqu’à une exaltation prophétique, la pureté de cette âme touchante et quasi enfantine, sa naïveté tout enfan-