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table démocrate. Il dit aux puissants de ce monde : « Si ce n’est ici, du moins là-bas, lorsque le vieillard Caron nous prendra tout nus dans sa barque, nous serons tous égaux ; tâchez donc que les poètes vous chantent tant que vous êtes encore ici, et qu’ils vous donnent quelque immortalité, quelque gloire et la réputation d’avoir été bien réellement de hauts protecteurs de la poésie, de généreux et magnanimes protecteurs des poètes. »

Bref, maître Adam Billaut était, au dix-septième siècle, un digne précurseur des poètes populaires contemporains. Il dépendait matériellement des puissants de la terre, mais il était dans son for intérieur absolument indépendant, reconnaissant la fraternité et l’égalité de tous les hommes, et en cet âge de fer, appréciait hautement sa vocation de poète et en était tout fier.

Mme Sand ne se borna pas à écrire ces quatre aperçus plus ou moins généraux sur la « poésie sociale ». Avec la générosité d’un vrai « grand homme, » elle tâcha, à plusieurs reprises, de soutenir ses confrères débutant dans leur carrière, et de travailler à leur gloire. C’est ainsi qu’elle consentit à corriger les premières épreuves des vers de Savinien Lapointe et à lui indiquer les changements qu’il fallait y faire[1]. Elle ne fut jamais avare ni de son temps, ni de sa peine chaque fois qu’il était nécessaire de recommander au public quelque nouveau recueil de vers de l’un ou de l’autre de ses modestes confrères. C’est ainsi qu’elle écrivit des préfaces aux volumes de Poncy : le Chantier, les Chansons de chaque métier, le Bouquet de marguerites, aux Poésies de Magu et aux Conteurs ouvriers de Gilland. Sa bonté infinie et sa hâte à aider toujours la firent, pendant de longues années, l’amie et le soutien de tous ces poètes.

  1. On lit dans une lettre inédite de Leroux, sans date ni adresse, écrite sur un papier portant l’en-tête de la Revue indépendante :
    Paris, 1841.

    « Voici, chère amie, la suite de vos épreuves et l’épreuve des vers de Savinien Lapointe, que vous aurez la complaisance de lui faire corriger. Je suis de votre avis, je trouve cette pièce fort remarquable. Ce que vous aviez souligné comme défectueux a été imprimé en caractères italiques. Il verra donc facilement où portent vos très justes critiques. »