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sont sifflés ou soufflés, il y en a aussi d’originaux. Tel est Magu. C’est à tort que l’on croit qu’il a abandonné pour la plume sa navette et son métier, que sa gloire lui a tourné la tête. Non, c’est un vrai ouvrier, un vrai travailleur ; il est toutefois pour cela même un vrai poète, qui a trouvé son propre verbe, une langue originale, franche et naïve, sans façon et sans prétentions, ayant sa source dans son cœur. C’est à tort aussi que messieurs les critiques conservateurs voulaient effrayer les poètes prolétaires par les aspérités de la carrière littéraire ; c’est à tort qu’ils craignaient que ces travailleurs n’abandonnassent pour elle leur métier et qu’ils ne perdissent comme qui dirait ce parfum de chevalet.

La carrière littéraire est si peu lucrative et si peu attrayante qu’il est fort douteux que quelqu’un se résigne à abandonner sa profession et à se dévouer à la seule littérature. Il n’y a pas non plus à redouter pour eux les désenchantements poussant au suicide, comme ce fut le cas de Boyer. Il se rencontre des âmes faibles dans toutes les professions, dans toutes les classes. Si même Boyer n’avait été ni poète, ni prolétaire, il aurait pu se suicider, pour des chagrins et des désillusions ; ceci n’est nullement une conséquence de son état de poète prolétaire.

La seconde partie des Dialogues familiers fut écrite par Mme Sand neuf mois plus tard, en septembre 1842, et elle n’y parle plus spécialement des poètes populaires, apparus sur la scène littéraire vers 1840, elle consacre ce second dialogue à maître Adam Billaut, poète menuisier du dix-septième siècle[1]. Elle s’efforce d’y prouver que si on considère toutes les circonstances défavorables de son temps, — la dépendance des princes mécènes, l’obligation de les « chanter » pour chaque manteau et chaque paire de souliers qu’ils lui accordaient, — et si on analyse attentivement l’ensemble de l’œuvre d’Adam Billaut, il présente le type d’un vrai poète populaire, d’un véri-

  1. Il avait paru en cette année de 1842 une nouvelle édition des œuvres de Billault : Poésies de maître Adam Billault, menuisier de Nevers, précédées d’une notice biographique et littéraire, par M. Ferdinand Denis, accompagnées de notes par Ferdinand Wagnien, édition ornée de huit portraits et de deux vues du Nivernais. Nevers, 1842. 1 vol. in-8°.