Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/313

Cette page n’a pas encore été corrigée

conservatrice, Lerminier en tête, fit un accueil des plus défavorables à ce livre. Lerminier admonestait, entre autres, tous les amis du peuple de ne point trop chanter les louanges de ces poètes, de ne point les encourager à aspirer à une vie intellectuelle, et il tâchait de les intimider par le fantôme du suicide ; d’après lui, ils y seraient tous poussés par les désenchantements, cela était déjà arrivé à un certain Boyer.

Mme Amable Tastu ainsi qu’Arago signalaient dans leurs articles qu’en dehors de cette jeune ouvrière et du maçon de Toulon, il existait encore toute une pléiade de poètes populaires, voire : Hégésippe Moreau qui venait de mourir, Lebreton, calicotier de Rouen, Jasmin, le célèbre coiffeur gascon, Durand, menuisier de Fontainebleau, Rouget, tailleur de Nevers, Magu, tisserand de Lizy-sur-Ourcq, Beuzeville, potier d’étain de Rouen, Vinçard, Ponty, Roly, Reboul, boulanger de Mmes, Éliza Moreau, Élise Mercœur si prématurément morte, Louise Crombach, Marie Carpentier, Antoinette Quarré, etc., etc., sans parler du patriarche de tous les chansonniers issus du peuple, du célèbre et grand Béranger qui, non seulement n’avait plus besoin de recommandations ou de louanges quelconques, mais qui distribuait lui-même des brevets d’immortalité !

Mme Sand qui connaissait déjà Poncy par les récits d’Arago, et qui, par l’intermédiaire de Perdiguier, avait fait la connaissance personnelle de Magu, puis de son futur gendre, le serrurier Gilland, fut charmée de leurs poésies, et s’intéressa à ces individualités remarquables : aucun de ces hommes ne se ressemblant. Elle crut découvrir un sens profond dans le fait même de l’éclosion et de l’épanouissement de cette poésie populaire, disparue depuis tantôt deux cents ans, depuis le célèbre menuisier de Nevers, maître Adam Billaut.

Mme Sand consacra donc quatre articles entiers, dans la Revue indépendante, à cette nouvelle veine de poésie, — dite poésie sociale. Elle tenait autant à propager la célébrité des poètes prolétaires qu’à attirer l’attention des lecteurs sur la signification sociale de leur avènement. Il apparaissait comme une preuve visible de la théorie de Leroux sur le progrès continu.