Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/309

Cette page n’a pas encore été corrigée

que ce double souvenir de son premier ami passionnel et littéraire influença la genèse du roman de Mme Sand : il n’y a donc rien d’étonnant si dans Horace Dumontet on trouve tant de ressemblance et avec Sandeau lui-même et avec l’Horace de leur premier roman. Il nous semble très naturel aussi que Mme Sand ait situé le lieu et l’action de son roman justement à l’époque et dans le milieu où vécurent les jeunes auteurs de Rose et Blanche : modestes mansardes sur un quai du Quartier latin, d’où se découvrait une vue magnifique sur les tours Saint-Jacques et Notre-Dame ; petit groupe d’écrivains en herbe et d’étudiants en médecine et en droit, — comme Emile Regnault et Jules Sandeau lui-même, — et enfin les années brûlantes de 1830-31-32. Tout cela donne à Horace une empreinte de vie réelle et vraiment « vécue » ; ce roman, comme les mémoires ou autres documents authentiques, n’a pas vieilli, il semble écrit d’hier et se distingue, par son ton simple et réaliste, par son dialogue vrai, par l’absence de toute rhétorique romantique, autant des romans précédents que de la plupart des œuvres ultérieures de Mme Sand.

Il est très difficile de rendre, même dans une analyse détaillée, les changements infiniment menus de l’humeur et du caractère d’Horace, qui, surtout dans la dernière partie du roman, sont décrits avec une rare perfection. Sa ressemblance avec « dix ou douze exemplaires » d’individus, connus de l’auteur, fait qu’Horace restera à tout jamais un type, type d’un enthousiaste à froid qui entraîne les autres parce qu’il s’éprend lui-même de son éloquence ; d’égoïste naïf, assoiffé du désir de briller, de primer, d’exciter l’admiration générale et faisant aux autres un mal irréparable pour la simple raison qu’il n’aime et ne se préoccupe que de lui-même. Ce type est éternel, comme le type de son antipode moral, — Paul Arsène, — cet ami dévoué se sacrifiant pour les autres, cet amoureux permettant à sa bien-aimée d’en aimer un autre, pourvu qu’elle soit heureuse !

Ces deux personnages — Horace et Arsène — personnifient réellement les deux types éternels qu’un ami de George Sand