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une vraie contre-partie des deux passages du Journal de Piffoël : 1° Je ne l’ai jamais craint (Heine) et 2° Vraiment j’ai bien plus peur de… (Mmes les amies). Et les lignes de Heine, commençant par les mots : Non, elle ne possède point ces dons de la nature à un trop haut degré, etc., produisent l’impression d’une paraphrase tout à fait « heinesque » du passage d’Horace : La vicomtesse de Chailly n’avait jamais été belle… la vicomtesse de Chailly n’avait jamais eu d’esprit… la vicomtesse de Chailly était issue d’une famille de financiers… elle avait une noblesse artificielle comme tout le reste… comme ses dents…, etc.

Bref, l’auteur d’Horace, oubliant son pseudonyme masculin, n’a pas pu se priver du plaisir tout féminin d’égratigner tant soit peu cette amie, ancien objet de ses « litanies ». (V. Simon.) De son côté Mme d’Agoult ne pouvait pardonner à « George » la victoire remportée sur Chopin et ne trouvait rien de mieux à faire qu’à se moquer de lui et même de son état maladif. De même la vicomtesse de Chailly ne souffre pas que ceux qui fréquentent son salon ne deviennent immédiatement ses adorateurs. Elle entreprend donc sans tarder la conquête d’Horace. Mais lui aussi veut « primer » et vaincre ses rivaux. Et voici que des deux côtés commence un assaut en forme, qui se termine, certes, par une double défaite. Malheureusement c’est l’histoire de la faux et de la pierre ! La vicomtesse et Horace sont tous deux dominés par la personnalité, tous deux sont vaniteux et en proie à ce que Spurzheim aurait, au dire de l’auteur, nommé l’approbativité : la soif de l’approbation universelle et de la reconnaissance générale de leurs qualités. La vicomtesse cherchait dans l’amour d’Horace une nouveauté piquante, une admiration romantique et absolue, qui ne ressemblerait pas aux flirts mondains et l’aurait encore rehaussée aux yeux de tout le monde. Horace, comme elle, est incapable d’un attachement. Au contraire, sa vanité désire afficher sa victoire sur cette lionne aristocratique, prétendue inaccessible. Ceci est contraire à toute correction. Et puis la vicomtesse n’est point une Marthe. Elle n’entend pas afficher sa liaison, mais l’envelopper de mystère.