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tout ce qu’il possédait et tombe dans la misère. Cela amène des querelles et des disputes entre les deux amants. Leur position leur pèse d’autant plus, que ne faisant rien du matin au soir, ils ne peuvent ni espérer un avenir meilleur ni s’aider d’aucune façon. Marthe reprend toutefois son ancien métier, car bientôt on n’aura plus de pain. Horace ne peut tolérer la vue de Marthe travaillant. Il en était ainsi pour Musset : il ne pouvait s’habituer à voir Mme Sand gagner sa vie en écrivant. L’ennui et le désœuvrement poussent Horace à chercher des distractions au dehors. Marthe pleure et se désole, elle l’attend des journées entières, son air malheureux le met hors de lui ; le fait seul qu’elle l’ait attendu lui semble — tout comme à Musset encore — « du despotisme et une atteinte à sa liberté… ». Et sur ces entrefaites Marthe devient enceinte. Horace éclate de colère, alors la pauvre femme s’empresse de l’assurer qu’elle s’est trompée, puis un beau jour elle disparaît. Tout le monde croit qu’elle s’est suicidée. Horace se désespère, mais comme il entre dans son cœur plus de vanité et d’amour-propre que de véritable amour, il se console bientôt… par sa propre éloquence. Son chagrin s’épanche en paroles, en larmes, en exclamations, en tirades, mais il se borne à rechercher Marthe à la Morgue, où ce n’est pas même lui, mais des amis fidèles de Marthe qui entrent. Puis, très vite, il oublie aussi bien Marthe que ses remords : il se calme.

Sur ces entrefaites, le choléra se déclare à Paris, puis l’émeute de 1832 se prépare, dont l’un des chefs fut un certain Jean Laravinière, « le président des bousingots » — c’est ainsi qu’on appelait alors la partie tumultueuse des étudiants ; « émeutiers et bambocheurs », ils passaient leur temps dans les théâtres, les cafés et les places publiques plus que dans les salles d’études. Ce Jean Laravinière — un vrai type inoubliable, esquissé par George Sand avec un humour plein de sympathie — est un bonhomme magnifique. Il est pauvre, laid comme les sept péchés capitaux, timide avec les femmes, parce qu’il adore l’idéal et que son cœur est facile ; mais, craignant la moquerie, il préfère tout blaguer, rire des autres et de lui-même, tout en pour-