Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elles se maintenaient et traversaient les époques qui nous apparaissent à présent comme des temps de barbarie, de ténèbres absolues ; il sut prouver que ces idées vivaient alors, qu’elles se faisaient jour à l’aide des hommes et des institutions qui, par leur nature même, semblaient vouées à la mort et au calme stagnant, mais qui, aux jours des cataclysmes universels ou du règne aveugle et inepte de la force brutale, devenaient de vrais sanctuaires, de vrais foyers de vie spirituelle de l’humanité. Très intéressants et très captivants, sous ce rapport, les articles de Leroux tels que : Saint Athanase, Saint Augustin, Saint Benoît, les Beggards, sans parler déjà des articles : Christianisme, Contemplation, Baptême, Aristote, Arianisme, Arminianisme, et la brochure sur l’Égalité.

Toutes les doctrines religieuses d’autrefois ont été incomplètes, elles séparaient le corps et l’âme, l’esprit et la matière ; elles voyaient le mal dans le monde matériel. Mais Dieu est partout et en tout, dans le spirituel comme dans le matériel. C’est pour cela que chaque homme et l’humanité entière trouveront leur salut lorsqu’ils comprendront qu’il ne faut pas combattre la vie corporelle, ni attendre le royaume de Dieu en dehors de ce monde, ni le voir dans la négation de la vie, mais lorsqu’on tâchera d’élever et de sanctifier toute vie charnelle, comme tout labeur terrestre. Si l’on ne considère la matière que comme l’objet du mal, qu’il faut incessamment combattre et si l’on croit que le bien ne consiste que dans la victoire de l’esprit sur cette matière, alors il faut ou admettre l’existence de deux principes, d’Ormuzde et d’Arimane, ou bien admettre que le Tout-Puissant peut être la source du mal. Si nous ne pouvons admettre la coexistence de ces deux principes, si tout provient de Dieu, donc tout doit être bien et bon, ce que nous appelons le mal naît seulement de notre ignorance ou du mauvais usage que nous faisons du bien[1].

Il n’y a donc rien d’étonnant que Leroux place dans le

  1. Longtemps avant Leroux, Leibniz avait émis cette idée que le bien est libre et le mal ne l’est point, car le mal provient de l’ignorance et de l’erreur : peccatum ab errore.