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Destin, qui a réglé les rapports et conjonctions des astres errants dans le ciel et des âmes, qui se cherchent sur la terre…

… Nous arrivions ici avec l’espoir que vous y seriez depuis le commencement du mois, suivant ce que vous m’aviez dit à Paris. Nous n’avons trouvé à Nohant que vos oiseaux et vos fleurs.

… Or, j’étais fort embarrassé hier. J’avais compté sur votre présence ici et sur votre aide. Nous avions emporté de Paris une très faible somme, et il nous a fallu bien de l’économie pour aller si longtemps et si loin. Dès Montpellier, les fonds commençant à nous manquer, j’avais décidé en moi-même que tout ce que je pouvais faire avec mes ressources, c’était d’arriver jusqu’à vous. En votre absence qu’ai-je fait ? Je me suis dit que vous ne me blâmeriez pas. Je me suis adressé en votre nom à M. Dutheil. J’ai dit que vous paieriez ma dette. Vos amis ont été fort empressés à me servir, et je puis partir. Je sais bien dans mon cœur que je n’ai pas été téméraire en agissant ainsi : vous êtes le seul dont je ne doute pas. Oui, je doute de tous et j’ai pitié de tous, excepté de vous. Mais cette situation où je suis souvent me cause de grandes douleurs et je voudrais en finir avec elle. J’ai tant de soin de ce côté de la pauvreté que mon esprit finit par être hébété, même alors que mon âme résiste. Je suis aujourd’hui dans cet état. L’effort qu’il m’a fallu faire pour m’adresser à d’autres que vous, quoique ce fût en votre nom et indirectement à vous, m’a ôté tout calme et toute énergie. J’ai un brouillard qui m’empêche de vous voir comme vous êtes ; j’ai des remords de vous avoir créé une dette, et puis il me semble que je ne suis pas digne…, à cause de ces misères, de votre amitié… Oh ! si, si, si. Je suis digne de votre amitié, qui est le bien qui me reste et me restera toujours.

Votre ami pour toujours,
P. Leroux.

Je salue Chopin et Maurice et je les embrasse. Je pense que vous avez laissé Mlle Solange à Paris. J’irai voir Mme Marliani aussitôt que je serai à Paris. J’ai eu indirectement de ses nouvelles et des vôtres pendant notre voyage.

Au verso :

Madame Georges (sic) Sand à Nohant.

À la fin d’une lettre sans date ni adresse — (elle fut aussi adressée à Nohant et écrite en septembre de cette même année 1841, pour recommander à Mme Sand M. Victor de Laprade,