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Me voilà à la fois hors de l’Encyclopédie, à cause de ma division d’idées avec Reynaud, et hors du Napoléon. Mon frère Jules partage mon sort. Or, nous avons tout un monde, une douzaine au moins de personnes à nourrir. Je sais que l’on ne fait pas impunément de la philosophie et de l’économie politique prolétaires sans souffrir comme tant de millions de pauvres travailleurs. Mais quelque habitué que je sois à cet exercice de la pauvreté, je suis plus rudement traité cette fois que d’habitude. Le poids d’une grande famille devient plus lourd à mesure que les enfants s’élèvent. En outre j’ai aujourd’hui un extrême chagrin de voir que je ne puis m’acquitter de dettes que j’ai contactées envers quelques amis…

Il faut que je passe encore un an à Paris, et que je me prépare cette possibilité.

Les libraires de Napoléon sont revenus me trouver, et me demander de faire cet ouvrage d’une façon tout à fait indépendante. Ils me promettent des avances à mesure que je travaillerais. C’était votre avis aussi, chère, que je devais ainsi me relever de ma défaite. Je le veux bien, mais je ne puis me mettre à cette besogne avant trois mois. Il faut passer ces trois mois. C’est-à-dire qu’il me faudrait un capital de douze à quinze cents francs pour moi et mon frère, qui est absolument dans le même cas que moi. J’ai besoin par mois d’environ trois cents francs et lui d’environ cent francs.

Dans trois mois j’aurai achevé trois ouvrages déjà fort avancés. Mon frère aurait aussi fini un livre d’économie politique. Mais où trouver quatre cents francs par mois ?…

Depuis sept ou huit ans je n’aurais pu vivre avec toutes mes charges en travaillant à l’Encyclopédie à huit francs par colonne, si quatre amis : M. Fabas, que vous ne connaissez pas, Mme Marliani, Béranger et Viardot ne m’avaient aidé.

Le résultat de leur intervention en ma faveur est fort triste, à un certain point de vue.

Je dois à M. Fabas cinq ou six mille francs. Heureusement il est riche, et je lui ai été utile.

Béranger se trouve garant de quatre mille francs dans l’affaire du Napoléon.

Viardot est à découvert pour des sommes qu’il m’a avancées de cinq à six mille francs. Il rentrera dans cette somme si les livres se vendent, comme il y a lieu de le croire, et si je reprends le Napoléon, r

    reçu des avances, « des sommes sur lesquelles il vit déjà » avec sa nombreuse famille et que ce n’est que faute de travail livré à temps qu’il laissa échapper cette occasion de voir sa position améliorée. Cette générosité amicale de Béranger envers Leroux fut la cause de ce qu’il lui dédia son Humanité.