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amie, et je voudrais des amis qui comprissent comme moi l’importance des idées et la gravité du moment. Je sens que les services que m’ont rendus mes amis leur font de la peine : je sens qu’ils ne me comprennent pas : ils ont une lumière toute différente de la mienne, une appréciation tout autre ! Aussi, depuis un an, mon âme est tombée désolée. Je n’ai trouvé que vous pour comprendre l’avenir.

Adieu.

P. Leroux.

Entre temps, il faut le dire, Mure Sand était venue à bout de vaincre cette « fierté invincible » de Leroux, qui l’empêchait d’accepter des services de sa part et de celle de ses autres amis, à laquelle Mme Sand faisait allusion dans sa lettre de 1838 à Mme d’Agoult[1]. Il s’adressait donc à elle en toute occasion et sans aucune hésitation. Voici par exemple quelques passages d’une lettre non datée qui doit probablement se rapporter au printemps de 1841, Mme Sand se trouvant alors encore à Paris : Chère amie, j’aurais voulu causer un peu avec vous, l’autre jour, de ma situation et de mes embarras… Mme Marliani vous avait communiqué certaines idées qui lui étaient venues en voyant que l’affaire du Napoléon me manquait, ou que j’avais manqué à cette affaire. Le fait est que je me trouve dans un grand embarras. J’avais compté que la patience de Béranger ne se lasserait pas si vite et me permettrait de terminer mes élucubrations philosophiques, surtout ce livre sur l’humanité, qui s’imprime en ce moment. Je regardais la bonté qui lui avait fait penser à cette œuvre pour moi comme toute paternelle. Je puis dire un peu : Il padre m’abandonna ! comme on chante au théâtre italien[2].

  1. Corresp., t. II, p. 94.
  2. On sait combien Béranger avait été magnanime et généreux envers Leroux : il avait signé un contrat avec l’éditeur Giraldon, par lequel il s’engageait à écrire une Histoire de Napoléon. Or, il n’y donnait que son nom : le travail devait être fait par Leroux, qui devait, grâce à cela, recevoir de l’éditeur de 44 000 à 50 000 francs. Leroux, toutefois, avait tellement laissé traîner ce travail (de 1838 à 1841), que l’affaire fut manquée. On lit à la page 318 (Appendice) de la biographie de Pierre Leroux, par M. F. Thomas, la très importante lettre de Béranger se rapportant à cet épisode et qu’il est de tout intérêt de confronter avec la Correspondance de Béranger (t. III, p. 135, 138 (NB), 145, 166 (NB), 172, 184, 186, 193, 195, 196, 199, 200).
    M. Thomas s’abuse en croyant que Leroux avait « écarté l’offre de Béranger, craignant de n’avoir pas toute sa liberté d’appréciation des hommes et des faits ». On voit par les lettres de Béranger que Leroux avait même