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l’accomplissement de ce qu’il considère comme son devoir, c’est-à-dire le dévouement au suprême idéal de la liberté, égalité et fraternité en général, et au plus sévère accomplissement de son devoir professionnel en particulier, apprend aussi que son amour est partagé. Mais fier, plein d’amour-propre, incapable d’essuyer un outrage de la part du vieux de Villepreux, rempli du noble désir de relever dans sa personne toute sa classe, Huguenin refuse la main d’Iseult, Celle-ci forme le vœu vertueux de… devenir pauvre, afin de pouvoir, dans un avenir incertain, s’unir à Pierre. Cette trop simple histoire se joue, comme nous venons de le dire, sur le fond chatoyant des coutumes et des traditions des « devoirs » rivaux. Et ce fond est plein de couleur locale, et pour cela vivant et réaliste. Mais le finale pèche par cet excès de « nobles sentiments » qui a déjà gâté et rendu ennuyeux tant de beaux romans, drames et comédies, et nous croyons que Pierre Huguenin n’aurait aucunement perdu aux yeux du lecteur, mais aurait gagné en vraisemblance et en vitalité, s’il avait consenti à partager la fortune d’Iseult. L’homme d’une honnêteté et d’une noblesse de cœur à toute épreuve, qui servit de modèle à George Sand n’avait pas craint, dans des moments difficiles, de s’adresser à elle pour une aide pécuniaire. Il n’avait aucun mépris donquichottesque pour le « vil métal ». Bien plus, il résulte de ses lettres qu’en 1840 George Sand lui avait même fourni des subsides pour faire un « tour de France » : il vante la générosité de Mme Sand, dans chacune de ses lettres, envoyées de toutes les étapes de ce voyage. En remarquant, dans sa lettre du 7 juin 1840[1], qu’il n’avait pas même été maître de répondre de suite à sa « belle et noble lettre comme il en avait eu le désir », parce que, « quoi qu’en dise la Charte, il n’était pas libre, le besoin le rendait esclave et l’attachait sans pitié à son établi », il déclare apprécier d’autant plus l’aide amicale de Mme Sand, qui lui donne la possibilité de travailler pour le bien général, et de contribuer à une œuvre importante pour tous les ouvriers.

  1. Elle est adressée : À Monsieur Alexandre Rey, rue Pigal (sic), n° 6, (Chaussée d’Antin), pour remettre à Mme George Sand, à Paris.