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admirateurs fervents. C’est ce qui arriva à un certain Parisien, ami des arts, ou Bayonnais.

Dans ses lettres à Mme Sand, Perdiguier décrit ses impressions de voyage à Vaucluse et à Avignon ; un abject combat de taureaux contre un homme, un ours et des chiens dans une petite ville du Midi ; l’inertie des habitants des campagnes ; l’obscurantisme du clergé dans la petite commune de Morières où habitait son père, etc. Ces lettres, rédigées en un style excellent, témoignent encore d’un esprit profond, de connaissances multiples et d’une compréhension complète des idées, de la pensée de son temps.

Perdiguier s’avança deux fois sur le terrain politique proprement dit. En 1848, il fut élu par une énorme majorité à l’Assemblée nationale, plus tard membre de la Législative ; après le coup d’État du 2 Décembre, il fut incarcéré, puis exilé. Il passa plusieurs années en Belgique et en Suisse. Lorsqu’on lui permit de rentrer en France, il se fixa de nouveau à Paris où il fonda une petite librairie. Sous la troisième République il remplit les fonctions d’adjoint au maire dans l’un des arrondissements parisiens, et y édita de petites brochures, simplement rédigées, où il exhortait tous les partis républicains à l’union, à la concorde, à la fraternité. Il mourut en 1875.

En lisant ce qui précède, le lecteur a dû reconnaître dans Perdiguier le héros du Compagnon du tour de France, — Pierre Huguenin, — et en conclure que ce héros est décrit d’après nature. Cela est exact. De nos jours il n’est point rare de rencontrer un « ouvrier conscient », lisant beaucoup et s’intéressant non seulement aux questions vitales de sa caste, contribuant dans la mesure de ses forces à l’instruction de ses confrères, au bien-être général de sa classe, mais encore prenant une vive part à la vie et aux affaires du monde entier. Il n’en était point ainsi, en France, avant la révolution de Février. Des hommes comme Perdiguier étaient si rares, que bien que George Sand ait peint son héros presque sur nature, elle ne connaissait pourtant ce type de l’ouvrier moderne que par intuition, et tous les critiques et tout le public crièrent qu’elle dessinait