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prêcher la même chose dans ses livres[1]. Ses discours ne rencontrèrent d’abord que des esprits perplexes, se heurtèrent contre la moquerie, le doute et parfois même une résistance ennemie. Mais peu à peu ses idées pénétrèrent dans la masse endormie, elles se propagèrent, les compagnons des devoirs saisirent son but, et lorsqu’en 1863 il fit son troisième tour de France, son voyage fut un triomphe ininterrompu. Partout on le recevait aux sons de la musique, des chansons « fraternelles » et « démocratiques », on donnait des dîners et des banquets en son honneur, on lui offrait des cadeaux symboliques (une bague d’or, symbole de l’union, une coupe d’argent), on lui montra clairement, au déclin de ses jours, que l’œuvre de toute sa vie avait porté des fruits, l’association générale des ouvriers était fondée et les principes christiano-socialistes avaient pris racine assez fortement pour assurer la récolte. L’histoire a prouvé que les espérances de Perdiguier ne furent point vaines. Mais il eut à supporter beaucoup d’adversités, à lutter contre les intrigues, la calomnie et la stupidité. Certains, intimidés par la police et les cléricaux, voyaient dans, tout individu propageant une idée un conspirateur dangereux et un révolutionnaire ; d’autres accusaient Perdiguier de poursuivre quelque but personnel. Pour le discréditer on s’évertuait à lancer avant son arrivée dans quelque bourgade des épîtres anonymes provenant soi-disant d’un devoir et avertissant les camarades de l’endroit de se méfier de Perdiguier. D’autres enfin répétaient obstinément : « Cela était ainsi du temps de nos pères, il n’y a donc rien à y changer. »

Les lettres de Perdiguier à George Sand sont remplies de détails sur la manière dont il sermonna, confondit ou « tira au clair » beaucoup de ses ennemis, calomniateurs ou camarades pusillanimes ; souvent ses ennemis devenaient ses amis, ses

  1. Parmi ses œuvres, les plus connues sont : le Compagnonnage (1839) ; le Livre du Compagnonnage (1839) ; Histoire d’une scission (1843) ; Mémoires d’un Compagnon (1854) ; Histoire démocratique des peuples anciens et modernes (1849-51) qui resta inachevée ; la Question vitale du Compagnonnage et de la classe ouvrière (1861) ; les Gavots et les Dévorants, pièce en cinq actes, etc.