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vérité), ou d’après la profession de leurs membres (comme par exemple le Devoir du trait) et présentaient le milieu entre les corps de métiers du moyen âge et les loges maçonniques, avec leurs mystérieux statuts et pratiques et leurs non moins mystérieuses épreuves des postulants. Chaque devoir avait une mère, quelque femme vénérée qui tenait une espèce d’hospice ou de logement communal et qui jouissait d’une immense estime parmi les compagnons de son devoir. Chacun des compagnons portait dans son devoir un sobriquet ou un surnom ; c’est ainsi par exemple que Perdiguier lui-même, compagnon du Devoir de la liberté, s’appelait Avignonnais la Vertu. Très jeune encore, il se montra avide d’apprendre, il lut beaucoup, fit des vers et enfin appliqua son esprit à la question ouvrière. Tous les problèmes qui agitèrent les meilleurs esprits européens de 1825 à 1850 le passionnèrent. Il croyait avec raison que la constitution communiste des compagnonnages était une institution absolument démocratique et chrétienne, très adaptée sous certains rapports aux besoins de notre époque, apte à embrasser toutes les idées libératrices et christiano-socialistes contemporaines. Il résolut donc de contribuer de toutes ses forces à l’union et au perfectionnement possible de tous les devoirs et compagnonnages dispersés de France. Il profita pour cela de l’un des paragraphes du statut de son devoir, qui obligeait ses compagnons à faire périodiquement des tours de France, et se mit à en faire en s’arrêtant dans les villes et villages. Il rassemblait autour de lui les ouvriers — « ferrandiniers, corroyeurs, tanneurs, menuisiers, tailleurs de pierre », etc., qui appartenaient à des devoirs, et les exhortait à abandonner leurs petites querelles, leurs anciennes cérémonies mi-maçonniques qui ont perdu toute raison d’être, les luttes sanglantes entre devons. 11 leur conseillait au contraire de s’instruire, d’étudier. Il les exhortait à la concorde, à l’union entre tous les artisans et ouvriers, à l’association qui pourrait présenter une force dans la lutte contre la pauvreté, l’ignorance et l’exploitation. Outre ses voyages et sa prédication orale, Perdiguier s’évertuait à