Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/265

Cette page n’a pas encore été corrigée

Alexandre Rey, ami de Leroux et de Bocage, fut un des hôtes de Nohant pendant l’été de 1837. Il remplit un peu plus tard les fonctions de précepteur de Maurice, passa quelques mois à Nohant, eut, à ce qu’il paraît, une querelle avec son successeur pédagogique. Mallefille se battit en duel avec lui et fut même blessé[1]. Puis la famille Sand le rencontra au printemps de 1839 à Marseille, l’amitié fut renouée et Rey donna de nouveau des leçons à Maurice[2]. Quant à Mme Sand, comme elle avait jadis par l’intermédiaire de Michel fait la connaissance de plusieurs hommes politiques du Berry et de Paris, elle entra, grâce à l’intermédiaire de Rey et de Leroux, en relations avec toute une série d’hommes du peuple ou plutôt de prolétaires éminents, types caractéristiques de leur temps et de notre époque en général. Il y eut en tout temps des Villon et des Hans Sachs, mais les poètes artisans que Mme Sand connut vers 1840 portent une empreinte toute spéciale de leur siècle ; ces individualités commandent l’attention, leur nature morale, leur intelligence imposent la sympathie.

Le premier prolétaire lettré que Mme Sand rencontra fut le célèbre Agricol Perdiguier, poète et publiciste, auteur d’œuvres connues sur le compagnonnage. Né en 1805 près d’Avignon, il était menuisier de profession, connaissait le dessin, un peu d’architecture et l’histoire de l’art, ce qui lui permit d’augmenter son modeste salaire de menuisier en ouvrant à Paris un cours de trait et de style pour les artisans : à cette époque-là, il n’y avait pas encore d’écoles d’ « art appliqué ». Sa femme, Lise Perdiguier, une personne simple et peu instruite, mais fort éveillée et de beaucoup de sens (à en juger par ses lettres), était couturière et tenait en même temps une espèce de pension pour les artisans et les commis voyageurs. Perdiguier était membre de l’un de ces compagnonnages qui dataient encore du moyen âge, se divisaient en plusieurs devoirs, nommés d’après certaines idées abstraites (comme par exemple le Devoir de la liberté, celui de la

  1. Cf. George Sand, sa vie et ses œuvres, t. II, chap. xiii.
  2. V. plus haut chap. Ier, lettre inédite à Mme Marliani de Marseille.