Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/263

Cette page n’a pas encore été corrigée

à cause du peu de vigueur de mon caractère et du peu de poids de mon opinion), mais inébranlable dans sa conduite personnelle. Depuis que l’esprit de liberté a été étouffé dans l’Église, depuis qu’il n’y a plus, dans la doctrine catholique, ni discussions, ni conciles, ni progrès, ni lumières, je regarde la doctrine catholique comme une lettre morte, qui s’est placée comme un frein politique au-dessous des trônes et au-dessus des peuples. C’est à mes yeux un voile mensongeur, sur la parole du Christ, une fausse interprétation des sublimes Évangiles, et un obstacle insurmontable à la sainte égalité que Dieu promet, que Dieu accordera aux hommes sur la terre comme au ciel. Je n’en dirai pas davantage ; je n’ai pas l’orgueil de vouloir engager une controverse avec vous, et, par cela même, je crains peu d’embarrasser et de troubler votre foi. Je vous dois compte du motif de mon refus et je désire que vous ne l’imputiez à aucun autre sentiment que ma conviction. Le jour où vous prêcherez purement et simplement l’Évangile de saint Jean et la doctrine de saint Jean Chrysostome, sans faux commentaires et sans concession aux puissances de ce monde, j’irai à vos sermons, monsieur le curé, et je mettrai mon offrande dans le tronc de votre église, mais je ne le désire pas pour vous : ce jour-là, vous serez interdit par votre évêque et les portes de votre temple seront, fermées.

Agréez, monsieur le curé, toutes mes excuses pour ma franchise que vous avez provoquée, et l’expression particulière de ma haute considération.

George Sand.

Il est très curieux de confronter cette lettre avec le passage d’une lettre de Leroux à Mme Sand, datée du 26 mai 1842, dans laquelle il lui mande avec une ironique indignation que « le philosophe Jean Reynaud » qui assistait avec Mme Marliani à la célébration catholique du mariage de Fabas, — collaborateur de Reynaud à l’Encyclopédie, — avait trouvé « étrange » de ne pas le voir, lui Leroux, à cette cérémonie… Au dire de Leroux cet étonnement n’était point digne d’un philosophe et présentait une concession honteuse de Reynaud ; finalement Leroux prédisait « que tous finiront par aller à confesse » et qu’il ne voyait de solide que George Sand dans tout ce monde qui jouit des trésors de l’intelligence refusés au peuple, — « vous et quelques rêveurs comme moi, mais dont le nombre diminue tous les jours… ». On voit par la lettre de Mme Sand au père