Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/261

Cette page n’a pas encore été corrigée

crois à la vie éternelle, à l’humanité éternelle, au progrès éternel et, comme j’ai embrassé à cet égard les croyances de M. Pierre Leroux, je vous renvoie à ses démonstrations philosophiques. J’ignore si elles vous satisferont, mais je ne puis vous en donner de meilleures : quant à moi, elles ont entièrement résolu mes doutes et fondé ma foi religieuse…

Six mois plus tard, le 26 février 1843, George Sand écrit à Charles Poncy dans le même sens :

Dites-moi, mon cher enfant, si vous connaissez tous les écrits philosophiques de Pierre Leroux. Sinon, dites-moi si vous vous sentez la force d’attention pour les lire. Vous êtes jeune et poète. Je les ai lus et compris sans fatigue, moi, qui suis femme et romancier. C’est dire que je n’ai pas une bien forte tête pour ces matières. Pourtant, comme c’est la seule philosophie qui soit claire comme le jour et qui parle au cœur comme l’Évangile, je m’y suis plongée et je m’y suis transformée ; j’y ai trouvé le calme, la force, la foi, l’espérance et l’amour patient et persévérant de l’humanité : trésors de mon enfance, que j’avais rêvés dans le catholicisme, mais qui avaient été détruits par l’examen du catholicisme, par l’insuffisance d’un culte vieilli, par le doute et le chagrin qui dévorent, dans notre temps, ceux que l’égoïsme et le bien-être n’ont pas abrutis ou faussés. Il vous faudrait peut-être un an, peut-être deux, pour vous pénétrer de cette philosophie qui n’est pas bizarre et algébrique comme les travaux de Fourier, et qui adopte et reconnaît tout ce qui est vrai, bon et beau dans toutes les morales et sciences du passé et du présent. Ces travaux de Leroux ne sont pas volumineux ; quand on les a lus, on a besoin de les porter en soi, d’interroger son propre cœur sur l’adhésion qu’il y donne ; enfin c’est toute une religion, à la fois ancienne et nouvelle, dont on a besoin de se pénétrer et qu’il faut couver avec tendresse. Bien peu de cœurs s’y sont rendus complètement ; il faut être foncièrement bon et sincère pour que la vérité ne vous offense pas.

Enfin, en 1844, George Sand s’exprime d’une manière absolument catégorique dans sa lettre à M. Guillon, qui se présentait alors comme directeur présomptif de l’Éclaireur de l’Indre, journal que devaient fonder Mme Sand et ses amis. Voulant expliquer à M. Guillon ses opinions et ses croyances, avant de l’associer à cette œuvre, Mme Sand semble avoir prié Leroux de lui exposer personnellement sa doctrine.