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S’il y a partout, comme tu le remarques fort bien, l’instinct du vrai et du juste, nulle part cet instinct n’est arrivé à l’état de connaissance et de certitude. Et comment cela serait-il possible quand l’histoire offre un chaos où tous les hommes, jusqu’ici, se sont perdus avant d’y trouver la notion profondément politique, philosophique et religieuse du progrès indéfini ?

…Tout ceci est pour te dire que tu me fais écrire là une lettre bien inutile pour ton instruction, puisqu’en lisant plus attentivement et plutôt deux fois qu’une les excellents et admirables articles de Leroux dans notre Revue, tu aurais trouvé la réponse même aux pourquoi que tu m’adresses…

C’est dans les toutes dernières lignes de cette lettre que se trouve aussi le passage que nous avons cité dans le premier chapitre du présent volume :

J’ai la certitude qu’un jour on lira Leroux comme on lit le Contrat social. C’est le mot de M. de Lamartine.

Le 28 août 1842, dans sa réponse à Mlle Leroyer de Chantepie qui la suppliait de lui indiquer comment concilier la vie de femme avec les hautes exigences de son individualité morale, sans avoir trop à en pâtir, Mme Sand dit d’abord, après avoir affirmé son incapacité à lui donner un conseil pratique et bien établi, que « les détails de l’existence ne se présentent à elle que comme des romans plus ou moins malheureux et dont la conclusion ne se rapporte qu’à une maxime générale : « changez la société de fond en comble », elle ajoute que c’est pour cela que « les rapports présents de l’homme et de la femme » lui semblent « établis d’une manière injuste et absurde » et que toutes les amours, légitimes ou non, doivent être malheureuses.

Puis elle continue :

Mais si vous me demandez dans quelles conditions autres je place le bonheur de la femme, je vous répondrai que, ne pouvant refaire la société et sachant bien qu’elle durera plus que notre courte apparition actuelle en ce monde, je la place dans un avenir auquel je crois fermement et où nous reviendrons à la vie humaine dans des conditions meilleures, au sein d’une société plus avancée, où nos intentions seront mieux comprises et notre dignité mieux établie. Je