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société humaine est perfectible, le genre humain est perfectible… »

Platon dit vrai : Nous gravitons vers Dieu, attirés à lui, qui est la souveraine beauté, par l’instinct de notre nature aimante et raisonnable. Mais de même que les corps placés à la surface de la terre ne gravitent vers le soleil que tous ensemble, et que l’attraction de la terre n’est pour ainsi dire que le centre de leur mutuelle attraction, de même nous gravitons spirituellement vers Dieu par l’intermédiaire de l’humanité[1]. L’homme est indissolublement uni à l’humanité. Il est en soi-même l’humanité. On ne peut concevoir un homme hors de l’humanité. Quoique nous soyons plusieurs, nous ne sommes tous néanmoins qu’un seul corps… comme dit saint Paul, et nous sommes tous réciproquement membres les uns des autres[2].

2) Nous sommes immortels. Lorsque nous mourons, nous ne faisons que nous plonger temporairement dans l’oubli ; nous rentrons en Dieu, qui contient notre être latent, la personnalité comme virtuelle et substantielle et non comme phénoménale, c’est-à-dire qui ne se manifeste ni dans l’espace, ni dans le temps. La mort n’est que le seuil qui nous sépare d’une nouvelle manifestation phénoménale, d’une nouvelle renaissance de l’homme dans l’humanité. Leroux rejette la conception spiritualiste de l’immortalité de l’âme, ainsi que la métempsycose des anciens, voire la renaissance de l’âme en des organismes inférieurs. Il croit donc (et il croit prouver que telle était aussi la doctrine de Socrate, de Platon, de Pythagore, d’Ovide, de Virgile, d’Apollonius de Thyane) que l’âme ne fait que se retremper en Dieu, se plonge dans l’oubli, avant chaque nouvelle renaissance dans l’Humanité. « L’immortalité des âmes humaines est indissolublement attachée au développement de notre espèce ; nous qui vivons, sommes non seulement les fils et la postérité de ceux qui ont déjà vécu, mais au fond et réellement ces générations elles-mêmes, et c’est ainsi et uniquement ainsi que

  1. De l’Humanité. p. 95.
  2. Ad Romanos, XII, 4-5. Ce même verset de Saint Paul est placé comme épigraphe en tête du livre De l’Humanité.