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je lui pardonne les injures. Je corrigerai les épreuves et soignera ainsi la boîte où sera présenté votre baume consolateur. Adieu et à bientôt.

Votre ami,
P. Leroux.

Plus tard, lorsque après la mort de Lamennais parut l’absurde biographie d’Eugène de Mirecourt, George Sand se fit encore une fois le champion de l’abbé en publiant dans le Mousquetaire une lettre pour défendre sa mémoire, réfutant en même temps diverses racontars de Mirecourt sur le compte de Lamennais et de Musset. Nous y avons déjà fait allusion (dans nos volumes Ier, p. 28, et II, p. 276).

Nous voyons par tout ce qui précède que la période du plus grand enthousiasme de George Sand pour les doctrines prêchées par Lamennais correspond en même temps à l’époque de sa plus grande ferveur pour les œuvres de Leroux, surtout depuis le séjour à Valdemosa. Revenue de Majorque, elle continue à les étudier avec zèle, pénétrant de plus en plus ses idées, les exposant souvent dans ses lettres et les formulant d’année en année plus nettement. Au mois de juin 1839 elle écrit à Mme Marliani :

Que me dites-vous donc, chère amie, d’efforts à tenter et d’étendard à lever ? Mon Dieu, j’ai la conviction que ni les hommes ni les femmes n’ont la maturité convenable pour proclamer une loi nouvelle. La seule expression complète du progrès de notre siècle est dans l’Encyclopédie, n’en doutez pas. M. de Lamennais est un vaillant champion qui combat en attendant, pour ouvrir la route, par de grands sentiments et de généreuses idées, à ce corps d’idées qui ne peut pas encore se répandre, vu qu’il n’est pas encore complètement formulé. Avant que les disciples se mettent à prêcher, il faut que les maîtres aient achevé d’enseigner. Autrement, ces efforts disséminés et indisciplinés ne feraient que retarder le bon effet de la doctrine. Moi, je ne puis aller plus vite que ceux de qui j’attends la lumière. Ma conscience ne peut même embrasser leur croyance qu’avec une certaine lenteur ; car, je l’avoue à ma honte, je n’ai guère été jusqu’ici qu’un artiste et je suis encore à bien des égards et malgré moi un grand enfant… [1].

  1. Corresp., t. II, p. 143.