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Dites à Buloz de se consoler. Je lui fais une espèce de roman dans son goût ; il le recevra en même temps que le Mickiewicz et pourra l’imprimer auparavant. Mais il faudra qu’il paye l’un et l’autre comptant, et qu’avant tout il fasse paraître la Lyre, Au reste, ne vous effrayez pas du roman au goût de Buloz, j’y mettrai plus de philosophie qu’il n’en pourra comprendre. Il n’y verra que du feu, la forme lui fera avaler le fond[1].

Buloz fut réellement un peu consolé par les fragments de la nouvelle Lélia[2], par l’Uscoque, l’Orco et Gabriel et surtout par Pauline, publiée dans les derniers mois de 1839 et les premiers de 1840. Néanmoins, il y eut dès lors un froid entre l’auteur et le directeur. La romancière souffrait de la dépendance où elle se trouvait, par son contrat, à l’égard de son éditeur inflexible, et le directeur commençait à voir en elle un collaborateur dangereux, enclin aux idées subversives et incommode pour sa revue si hautement modérée. Nous lisons donc d’une part, dans le Journal de Piffoël, une page qui nous peint de façon comique cette dépendance matérielle. D’autre part, dans ses lettres à Mme Marliani, George Sand déclare ouvertement ne pas craindre le courroux de Buloz, elle considère comme un devoir d’exprimer dans ses œuvres ses opinions actuelles, opinions que Leroux lui avait inculquées, mais elle présume que Buloz, craignant de perdre un collaborateur de sa taille, lui passera ses audaces nouvelles.

Voici donc une page du Journal de Piffoël, écrite à la date de juin 1839 :

— Mais, s’il vous plaît, pourquoi n’avez-vous pas continué votre journal ?

(Je suppose que c’est M. Trois Étoiles, ou Mme Une Telle, ou Mlles X…, Y… ou Z… qui m’adressent cette question.)

Réponse :

Mon cher, madame ou ma belle, pour bien des raisons : mais, pour ne vous dire que la plus importante, c’est que j’avais égaré mon cahier.

— Comment ! Un cahier si rare, si précieux, si important ?

  1. Corresp., t. II, p. 138.
  2. Cf. George Sand, sa vie et ses œuvres, t. Ier chap. vii.