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d’abord avec les écrits de Leroux, puis avec Leroux lui-même, George Sand s’enthousiasma pour lesdits écrits et se sentit pénétrée d’une entière et absolue confiance pour la personne du philosophe. Elle crut voir dans son œuvre la prédication d’un nouvel Évangile : elle y trouva, quoique formulées d’une manière confuse, mystique et quelque peu sentimentale, mais pourtant réduites en un système plus ou moins bien réglé, les doctrines qui lui étaient apparues jusqu’alors comme des idées et des dogmes épars, point reliés entre eux et empruntés soit au christianisme, soit à la doctrine de Platon, soit au saint-simonisme, soit aux œuvres de Lamennais, aux prédications de Michel et de son parti, comme à Rousseau et au Bonhomme Richard de Franklin.

1) « Qu’est-ce que l’homme, quelle est sa destination et par conséquent quel est son droit, quel est son devoir, quelle est sa loi ?… » demande Leroux[1], et il répond : « L’état permanent de notre être est l’aspiration, c’est cet état d’aspiration qui constitue proprement l’homme…, qui constitue le moi, la personnalité des êtres… » — L’homme n’est heureux, ni lorsqu’il court après les sensations et s’abandonne à ses passions, ni lorsqu’il s’abstient des joies de la vie, mais seulement lorsqu’il vit conformément à sa nature d’homme. Le spiritualisme et le matérialisme sont également « deux erreurs et deux sources de maux pour l’humanité[2] ». — « L’homme n’est ni une âme, ni un animal. L’homme est un animal transformé par la raison et uni à l’humanité[3]. » « L’homme n’est pas seulement sensation, ou sentiment, ou connaissance, mais il est une trinité indivisible de ces trois choses[4]. L’homme n’est pas seulement un animal sociable, comme disaient les anciens, l’homme est encore un animal perfectible. L’homme vit en société, ne vit qu’en société, et de plus cette société est perfectible, et l’homme se perfectionne dans cette société perfectionnée[5]. L’homme est perfectible, la

  1. De l’Humanité. Introduction, p. 3-4, 78.
  2. Ibid., Tradition, p. 357.
  3. Ibid., p. 91.
  4. Ibid., p. 111.
  5. Ibid., p. 115.