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thète de « conte fantastique » ne convient pas à ce roman de George Sand. Mais cette épithète perd toute signification, si nous nous souvenons comment, peu après, — lorsque Mme Sand écrivit son Histoire de ma vie, — elle s’exprima par deux fois d’une manière absolument claire sur le fond même de sa vie spirituelle. Racontant son émancipation morale, Mme Sand dit ceci :

Ma religion, elle, était restée la même, elle n’a jamais varié quant au fond. Les formes du passé se sont évanouies pour moi, comme pour mon siècle, à la lumière de l’étude et de la réflexion ; mais la doctrine éternelle des croyants, le Dieu bon, l’âme immortelle et les espérances de l’autre vie, voilà ce qui, en moi, a résisté à tout examen, à toute discussion et même à des intervalles de doutes désespérés[1]. Des cagots m’ont jugée autrement et m’ont déclarée sans principes, dès le commencement de ma carrière littéraire, parce que je me suis permis de regarder en face des institutions purement humaines dans lesquelles il leur plaisait de faire intervenir la Divinité…

Entrer dans la discussion des formes religieuses est une question de culte extérieur dont cet ouvrage-ci n’est pas le cadre. Je n’ai donc pas à dire pourquoi et comment je m’en détachai jour par jour, comment j’essayai de les admettre encore pour satisfaire ma logique naturelle et comment je les abandonnai franchement et définitivement le jour où je crus reconnaître que la logique même m’ordonnait de m’en dégager. Là n’est pas le point religieux important de ma vie. Là je ne trouve ni angoisses, ni incertitudes dans mes souvenirs. La vraie question religieuse, je l’avais prise de plus haut dès mes jeunes années. Dieu, son existence éternelle, sa perfection infinie, n’étaient guère révoqués en doute que dans des heures de spleen maladif, et l’exception de la vie intellectuelle ne doit pas compter dans un résumé de la vie entière de l’âme. Ce qui m’absorbait, à Nohant, comme au couvent,

  1. Rappelons-nous que Lessing dit dans la préface de son Éducation du genre humain : « Pourquoi ne pas préférer voir dans toutes les religions positives la voie par laquelle l’esprit humain pouvait avancer partout et exclusivement, et dans laquelle il devra se développer à l’avenir aussi, au lieu de nous moquer ou de nous fâcher contre l’une de ces religions ?… » (Œuvres complètes de Lessing, en un vol. Leipsick 1841, 939 pages.)
    Leroux lui-même, en revenant encore une fois dans la conclusion de son Humanité (p. 391) sur ce qu’il avait déjà exposé dans son Encyclopédie, s’explique ainsi sur la nature de la religion : « Le fond de la religion est éternel, car c’est la connaissance subjective que nous avons de la vie qui est ce fond. Mais la manifestation objective qui en résulte est variable et changeante suivant les progrès de notre connaissance… »