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cœur. Celui qui, en lisant une œuvre d’un auteur quelconque, tend avant tout à la pénétrer, celui-là sera très vivement impressionné par Spiridion, par la foi profonde et forte, par les doctrines qui l’imprègnent. Celui que l’expression effraye, celui qui prend au pied de la lettre la forme, les images qui la revêtent, sans en pénétrer le fond, ferait mieux de ne pas lire Spiridion.

Les admirateurs de George Sand considéreront toujours ce livre comme un des plus importants de son œuvre : 1° il leur apparaît comme le reflet fidèle de la doctrine de Leroux sur le « progrès continu » ; 2° un commentaire symbolique de l’Éducation du genre humain de Lessing ; 3° un résumé des croyances de George Sand, — du catholicisme de son adolescence jusqu’à la foi tout individuelle et libre de son âge mûr ; 4° enfin une peinture très vraie des luttes, des souffrances et des avatars successifs par lesquels passa Lamennais dans ses recherches de la vérité et de la vraie religion. Sous ce rapport Spiridion est plein de détails biographiques les plus réels. Ce n’est pas là le récit photographié de faits réellement arrivés, mais bien l’exactitude psychologique et l’enchaînement historique des étapes de son émancipation spirituelle. L’histoire de l’abbé Spiridion est celle de tous les ecclésiastiques catholiques, émancipés par la recherche de la vérité. On peut considérer cette œuvre comme typique.

Nous avons lu et recueilli avec un intérêt extrême les lignes suivantes dans la correspondance de Renan. On reconnaîtra en les lisant combien peu George Sand s’écarta de la réalité en écrivant cette œuvre, prétendue si « fantastique ».


Mont-Cassin, 20 janvier 1850[1].

… [C’est] ce qui fait en ce moment le Mont-Cassin un des lieux les plus curieux du monde et sans doute celui où l’on peut le mieux connaître l’esprit italien dans ce qu’il y a d’élevé et de poétique. Grâce à l’influence de quelques hommes distingués, grâce surtout aux sérieuses études qui ont toujours caractérisé les Bénédictins, le Mont-Cassin est devenu, dans ces dernières années, le centre le plus actif et le plus brillant de l’esprit moderne en ce pays. Les doctrines qui

  1. Ernest Renan, Lettres à Berthelot. (Revue de Paris, 1er août 1897, p. 492.)