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guide spirituel, son ami d’outre-tombe, l’abbé Spiridion, chercheur intransigeant de la vérité.

Déjà au mois de février et de mars de 1838, George Sand rompit bravement des lances pour Lamennais dans ses deux articles contre Lerminier, intitulés : Lettre à M. Lerminier sur son examen du livre du Peuple et Deuxième lettre à M. Lerminier répondant à son second article de critique. Spiridion est une nouvelle expression de l’admiration de Mme Sand pour les idées et la personne du grand réformateur religieux.

Il semble que depuis lors le surnom de « Spiridion » fut définitivement attaché à l’abbé. Mme Sand et Leroux le nommaient ainsi dans leurs lettres.

On ne comprend pas comment la plupart des critiques — aussi bien contemporains de la première publication de Spiridion que les autres — classèrent ce roman sans broncher parmi les « contes fantastiques », « les rêves impossibles », etc.[1].

Il nous semble que c’est se montrer trop naïf ou se laisser | volontairement leurrer par les apparences, que ne pas comprendre tout de suite que le « fantastique » de Spiridion n’est qu’une simple forme, la sauce sous laquelle l’auteur servit aux lecteurs de romans de la Revue des Deux Mondes des idées religieuses et philosophiques fort profondes et n’ayant rien de commun avec des romans proprement dits. C’est là tout un système de croyances, une profession de foi. Nous n’oublierons jamais l’impression que nous fit la lecture de Spiridion, l’une des premières œuvres, si ce n’est la première œuvre de George Sand que nous ayons lue. Ce fut bien une impression d’ordre purement religieux ou philosophico-religieux, qui ne peut être comparée qu’à l’action produite par la lecture de vraies œuvres religieuses, ou par celle que quelques pages de Consuelo consacrées aux taborites produisirent sur l’un de nos jeunes amis, lequel, en rejetant le livre, tomba à genoux et se mit à prier du plus profond de son

  1. C’est ainsi, par exemple, que Julien Schmidt dit que Spiridion n’est qu’une imitation du Seraphitus (Seraphita) de Balzac, et M. Skabitchevski déclare que Spiridion est « une œuvre fantasque, ou plutôt une divagation de délire… », etc., etc.