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officiel, disons-nous, fit bientôt place au nom caressant de Chère mignonne qui fut vite changé en amical minnonne, puis en ninnonne. Et la signature n’en est non plus « Pauline », mais tantôt Manzelle Pauline, tantôt Votre fille et enfin Votre fifille, pour rester telle jusqu’en 1876 ! Vraiment cette correspondance témoigne d’un attachement tout filial de la part de la grande cantatrice, d’un amour tout maternel de la part de Mme Sand. Dès les débuts de cette amitié Mme Sand consacra à sa jeune amie un article louangeux, paru le 15 février 1840 dans la Revue des Deux Mondes sous le titre de « Pauline Garcia et le théâtre italien », comme aussi vers le terme de sa carrière littéraire le n 14 de ses Impressions et Souvenirs, — écrit pendant les journées les plus néfastes de 1870, — nous peint une soirée musicale chez Pauline Viardot, soirée à laquelle elle-même et ses filles chantèrent du Gluck et d’autres vieux maîtres. L’interprétation géniale de la grande artiste de cette divine musique, toute l’atmosphère ambiante quasi « imprégnée d’art » eurent, — au dire de Mme Sand, qui se sentait écrasée par les angoisses pour le présent et l’avenir de la France, — le pouvoir magique de la transporter pour quelques heures de la sphère sombre des malheurs de la patrie, de la lutte des partis et des petites passions politiques, dans la sphère pure et lumineuse de la Beauté éternelle. « Le soleil de Gluck et de Pauline Viardot avait dissipé le rêve affreux[1]. »

Entre ces deux articles la plume de George Sand traça mainte fois des pages et des lignes consacrées à la rare artiste. Combien de fois aussi rencontrons-nous dans la Correspondance des exclamations enthousiastes à propos de ses triomphes, des expressions d’admiration émue devant ce labeur artistique incessant, devant ce caractère vif et franc. Dans le Journal de Piffoël nous trouvons aussi une page qui nous trace l’image de la jeune commençante, à peine entrée dans la vie et dans sa carrière de cantatrice, et la sympathie chaleureuse |de Mme Sand pour elle. Mais mille fois mieux, plus vivement,

  1. Impressions et Souvenirs, p. 243.