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George Sand. Une des mains que j’examinais cachait un cigarito mal caché, du reste, car la fumée s’élevait derrière la prophétesse en petits flocons révélateurs. Il est bien entendu que durant ce minutieux inventaire, ma langue ne chômait pas. Pleinement rassuré sur l’abord gracieux de Lélia, et désireux d’ailleurs de profiter de l’occasion pour compléter en tous points ma perfidie biographique, j’entortillais à dessein l’histoire du fumiste de périphrases et de parenthèses, qu’elle écoutait avec une bienveillante et courtoise indulgence. Enfin, quand il me parut que l’image était nettement tracée dans mon cerveau, je coupai court à mon imbroglio et je m’empressai de m’esquiver, enchanté de pouvoir vous déclarer que la Gazette de Saint-Pétersbourg ne sait ce qu’elle dit ; que les trois quarts de ceux qui jasent sur George Sand s’amusent à vos dépens, qu’il est bien vrai que la prophétesse fume volontiers un ou plusieurs cigaritos, qu’elle daigne même parfois endosser notre absurde redingote, que dans son cercle intime on l’appelle George tout court, mais que tout cela n’est pas défendu par la Charte, et qu’il y a loin de là aux puériles monstruosités qui se débitent en tous lieux. J’ajouterai même, si j’en crois des gens bien informés, qu’il est quelques salons de Paris où l’on voit l’illustre écrivain allier au prestige du génie la simplicité, la modestie et les grâces décentes de la femme…


La fin du printemps de 1841 se signala par un concert que donna Chopin, un concert brillant tant sous le rapport du succès artistique que du succès matériel, et aussi par rapport à la société quintessenciée qui remplit la salle Pleyel, jusqu’à y faire foule, quoique les billets fussent distribués avec le plus grand choix. Au mois de juin, toute la famille se transporta à Nohant. Cette circonstance, et la quantité d’invités venus de Paris et des environs, et de la Châtre, reçus cet été au château, nous font croire que, d’une part, George Sand ne put plus longtemps lutter contre son antipathie pour la vie parisienne et que, d’autre part, sa position pécuniaire, grâce aux efforts d’Hippolyte Chatiron et au contrat avec les éditeurs, dut s’être améliorée, puisque la large hospitalité campagnarde n’excédait plus le budget de l’auteur de Cosima.

Vers la fin de l’été les Viardot arrivèrent à Nohant. George Sand annonce à Mme Marliani dans sa lettre du 13 août qu’elle passe ses journées avec Pauline Viardot en promenades dans