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depuis peu, devint plus tard le porte-voix officiel des saint-simoniens. Les chefs de ces derniers étant, comme on le sait, presque tous des polytechniciens, Leroux fut bientôt très lié avec Jean Reynaud et Armand Bazard, qu’il n’abandonna point, alors même que la secte se divisa et que Bazard se retira avec ses prosélytes dans une réclusion volontaire. Après le procès des saint-simoniens (1832) et la dispersion de la société, Leroux et Reynaud rédigèrent pendant quelque temps la Revue encyclopédique, qui expira prématurément… faute d’abonnés ; puis ils éditèrent, toujours ensemble, l’Encyclopédie nouvelle, dictionnaire philosophique et encyclopédique[1], dans lequel, comme dans celui de Diderot, tous les articles étaient subordonnés à une seule et même idée foncière et à l’exposition suivie d’une doctrine précise.

L’Encyclopédie rendit Leroux célèbre et cette célébrité ne fit que s’accroître à mesure qu’il publia toute une série de traités philosophiques et sociaux. Sans nous attarder aux détails de la biographie de Leroux[2], signalons seulement qu’après l’Encyclopédie nouvelle, il fonda ou dirigea la Revue indépendante (1841), la Revue sociale (1845), l’Éclaireur de l’Indre, l’Espérance, et en 1844, à Boussac, une imprimerie, autour de laquelle se groupa une espèce de communauté socialisto-chrétienne où l’on acceptait comme membres hommes et femmes indifféremment. Leroux ne se contentait pas d’adopter les idées saint-simoniennes sur l’égalité des sexes, il prédisait aux femmes un grand rôle dans l’avenir.

En 1848, Leroux fut député à la Constituante et à la Législative, il y prononça plusieurs discours qui n’éveillèrent point l’intérêt qu’ils méritaient. Les plus connus furent celui contre l’adultère des députés et celui en faveur de l’affranchissement des femmes, que Leroux prêchait ardemment, ce qui lui attira la sympathie de J.-S. Mill. Après le coup d’État, Leroux dut

  1. Il parut en tout huit volumes (petit in-8o), chez Gosselin, 1841.
  2. Depuis que ces pages ont été terminées, il a paru sur la vie et la doctrine de Leroux un excellent ouvrage que nous regrettons de n’avoir pas connu plus tôt, le beau livre de M. F. Thomas : Pierre Leroux, sa vie, sa doctrine, ses idées. (1904, Paris, Alcan.)