Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/218

Cette page n’a pas encore été corrigée

À Monsieur Thoré.

Est-ce que vous me permettez, monsieur, de vous demander une petite faveur ? Le vieux et respectable prince Czartoryski m’écrit une lettre que je vous prie de lire, vous verrez, mieux que je ne saurais vous le dire, de quoi il est question, et comme quoi un peu de bienveillance de votre part pour M. Statler[1] serait une bonne action. Quelques lignes d’encouragement dans votre feuilleton lui feraient grand bien, le prince Czartoryski et moi vous en aurions une grande reconnaissance.

Dites-nous si cela est possible, et pardonnez-moi si je suis indiscrète.

George Sand.

Bref, le monde polonais, les intérêts polonais étaient bien proches du cœur de George Sand, et quant à Mickiewicz, hôte fréquent de Chopin et de Mme Sand entre 1840 et 1844, il la charmait par son individualité et lui inspira beaucoup de pages publiées et inédites.

Voici par exemple un passage inédit du Journal de Piffoël ayant trait à la célèbre dispute entre Mickiewicz et Slowacki, qui eut lieu le jour de Noël de 1840 et dont on a tant de fois parlé dans la presse[2] :

  1. Adalbert Statler, peintre polonais, passa plusieurs années en Italie, où il fit la connaissance d’Adam Mickiewicz, dont il peignit plus tard un merveilleux portrait. Son tableau le plus connu représente Mickiewicz lisant sur le parvis de l’église de Notre-Dame de Cracovie son Livre de la nation polonaise à la face d’une foule immense.
  2. Rappelons pourtant encore une fois cet incident au souvenir du lecteur : lorsque le 24 décembre 1840 les émigrés polonais se réunirent à une soirée chez Januszkiewicz, pour célébrer la fête de Mickiewicz et pour accomplir l’usage touchant de la patrie en mangeant en commun le gruau traditionnel, le jeune Slowacki, que Mickiewicz traitait toujours avec froideur et négligence et auquel il avait voué des sentiments non moins hostiles, quoiqu’il l’admirât comme poète, surtout comme l’auteur du Sieur Thadée, Slowacki, disons-nous, adressa à Mickiewicz un discours en vers. En rendant toute justice au grand poète, mais conscient de lui-même et dans un sentiment de fière dignité, il y déclarait que lui aussi, pour ses souffrances et pour ses œuvres, il avait bien mérité l’amour de la patrie et une place au royaume de la poésie. Mickiewicz lui répondit par une improvisation magnifique ; tous les assistants pleurèrent, emportés dans un élan d’enthousiasme, et les deux poètes s’embrassèrent et causèrent longtemps très amicalement en marchant de long en large par le salon. Mais malgré tous ces toasts et