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social du dix-neuvième siècle il est fort douteux que quelqu’un lise de nos jours les écrits de Pierre Leroux. Il est néanmoins certain que ses doctrines donnèrent naissance à force romans de George Sand et furent pour une grande part la source première de ce qui enchante et attire le plus dans ses idées même fort ultérieures.

Pierre Leroux peut donc être considéré comme un de ces arbustes sur lequel on aurait greffé une branche d’un rosier rare ou d’un noble pommier. La plante nouvelle, nourrie des sucs de l’églantier, ou du pommier sauvage, devint un arbre magnifique et porta des fleurs splendides ou des fruits succulents, et personne ne se souvient plus de l’arbuste inconnu.

Mais « à chacun selon ses œuvres », et c’est à nous qui étudions la genèse des idées de George Sand qu’incombe aussi le devoir de signaler tout ce qu’avait en elle de précieux, de durable et de vivifiant cette doctrine de Pierre Leroux, quelque peu vague et pas toujours originale, trop prônée par ses contemporains, en Russie tout comme en France, trop oubliée par la postérité.

C’est ainsi, par exemple, que Julien Schmidt refuse de reconnaître à Leroux toute valeur intrinsèque comme penseur primordial, il assure que ses contemporains l’ont bien gratuitement porté aux nues, que non seulement ses écrits ne se distinguent ni par leur profondeur, ni par l’originalité de la pensée philosophique, mais qu’ils sont nébuleux, diffus, pleins de mysticisme, enfin empreints de tous les défauts qui caractérisent les penseurs de second ordre, toujours enclins à « redécouvrir les Amériques ».

Admettons que Leroux fut réellement un penseur de second ordre, qu’en mainte occasion cette discipline scolaire qui distingue les philosophes de profession lui fit défaut, et qu’il ne put se vouer à de vraies spéculations philosophiques qu’après avoir essayé toutes sortes de professions et traversé toutes sortes d’épreuves. Mais nous allons tenter de donner un abrégé des doctrines de Leroux, et le lecteur jugera s’ils ont raison ou tort ceux qui refusent toute valeur à ces idées (qui semblent,