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polonais et du rôle spécial réservé au monde slave en général ; que ces idées trouvaient un adepte enflammé dans la personne de Pierre Leroux, le prédicateur de la Vérité éternelle « dans son progrès continu ». Selon lui elle passait, en une succession mystérieuse, d’un peuple dans un autre, en s’incarnant alternativement tantôt dans l’un, tantôt dans l’autre. Pierre Leroux crut donc facilement et s’empressa de faire croire aux autres à la future mission du peuple polonais et des nations slaves. Il les considérait comme les propagateurs sur terre de l’amour chrétien, de l’égalité et de la fraternité. Il est évident que George Sand se prit aussi d’une sympathie profonde pour Mickiewicz, pour tous les Polonais en général et crut à cette mission des Slaves.

Ayant fait la connaissance de Mickiewicz dans les derniers mois de 1836, lorsqu’elle demeurait à l’Hôtel de France, rue Laffitte, Mme Sand se mit en quatre dès 1837, pour faire recevoir à la Porte-Saint-Martin le drame assez manqué de Mickiewicz, les Confédérés de Bar. Ce drame fut lu par plusieurs écrivains. Tous, lui prodiguèrent soit sincèrement, soit par amabilité, les plus grands éloges, mais déclarèrent, presque unanimement, qu’il ne pouvait être joué sur un théâtre français[1]. C’est ainsi que, durant ce même hiver de 1836-1837, la comtesse d’Agoult remit ce drame à Félicien Malle fille, jeune auteur dramatique, commençant alors sa carrière et, comme nous l’avons déjà dit dans notre deuxième volume, ami intime de Nohant en 1837-1838[2]. Au mois de mars ce fut Alfred de Vigny qui le lut[3].

  1. M. Wlad. Spasowicz, dans son Histoire des littératures slaves (p. 668), appelle ce drame simplement « faible », et M. Belcikowski déclare « qu’il manque absolument de mouvement dramatique ». (Cf. la Vie de Mickiewicz écrite par son fils, M. Ladislas Mickiewicz, t. II, p. 392.) Mais ce même M. Ladislas Mickiewicz donne en Appendice, à la deuxième série des Œuvres posthumes de son père, plusieurs articles de journaux polonais de 1872, d’où il appert que lorsque, au centenaire de la confédération de Bar, on fit jouer à Cracovie les deux premiers actes de ce drame, ils eurent un grand succès. Nous croyons toutefois que ce fut plutôt un succès patriotique qu’artistique.
  2. Cf. Mélanges posthumes d’Adam Mickiewicz, publiés avec Introductions, préfaces et notes, par Lad. Mickiewicz. Paris, 1872-1879, l re série : Drames polonais, Préface, p. 15-16. Lettre de Félicien Mallefille à M. Ladislas Mickiewicz du 2 août 1867.
  3. Ibid., p. 12. Lettre d’Alfred de Vigny à Adam Mickiewicz du 1er avril 1837.