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raison de répéter ici le dicton si peu respectueux : « Il n’y a pas de cheval ombrageux dont le temps ne se rende maître », on aurait tort jusqu’à un certain point. En effet, nous pouvons observer déjà des indices graduels d’équilibre sentimental et intellectuel, d’un tour d’esprit plus calme et plus harmonieux à une époque où la vie spirituelle de George Sand était dans tout son éclat, alors qu’elle prenait la part la plus active à la vie sociale, où, la plume à la main, elle combattait contre les préjugés, les injustices, les jougs sociaux et les imperfections de l’ordre politique, en un mot à une époque où non seulement l’on ne peut remarquer en elle l’ombre d’une diminution de l’énergie, d’un affaiblissement de la volonté ou de la pensée, mais où ces qualités se manifestaient, au contraire, avec le plus d’éclat. Donc ses doutes d’antan, ses désenchantements, ses protestations passionnées s’étaient calmés non sous l’influence des années, mais grâce à une nouvelle doctrine qu’elle s’était formulée et qui vint tout apaiser, tout éclairer d’une nouvelle lumière.

« Mon enfant, lis les œuvres de Pierre Leroux, tu y trouveras le calme et la solution de tous tes doutes », disait-elle dans sa vieillesse à une jeune femme qui la suppliait de l’aider à trouver la solution des problèmes de notre existence, « c’est Pierre Leroux qui me sauva. » Et vraiment, si les théories de Michel, de Liszt et de Lamennais furent les premières étapes de cette évolution qui se fit graduellement dans l’esprit de la grande romancière entre 1835 et 1838, c’est Pierre Leroux qui contribua à l’achèvement final de cette évolution, et il fut facile à George Sand de passer de la doctrine de Pierre Leroux à celles de Reynaud et de Leibniz qui, à son propre dire, fermèrent le cercle de son évolution spirituelle.

C’est à cause de cela que nous considérons 1838 comme un point de démarcation entre deux périodes de la vie de George Sand : le moment de son passage définitif du pessimisme à l’optimisme.

En dehors de ceux qui prennent un intérêt spécial à la philosophie ou de ceux qui étudient l’histoire du mouvement