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sphères de la société. Nous parlerons de quelques-unes de ces sphères dans le prochain chapitre. Considérons d’abord les relations que Chopin apporta à George Sand.

Grâce à lui, à sa nationalité, elle connut le monde slave, Mickiewicz, Memcewicz[1], Slowacki[2], Witwicki, Krasinski[3], les frères Chodzko, les deux Grzymala, ses deux amis intimes : Matuszynski et Fontana, et tous les émigrés du grand monde et du monde artiste polonais. Toute une sphère d’idées, de sentiments et de caractères nouveaux apparut à l’écrivain. N’oublions pas que Mickiewicz était alors à l’apogée de sa gloire, que la croyance à sa vocation presque surnaturelle l’entourait comme d’une auréole ; que dans les cercles de ses amis on parlait uniquement de la mission messianique du peuple

  1. Julien-Ursyn Niemcewicz, écrivain très connu et homme politique polonais, naquit en 1754 et mourut en 1841 ; il fit les campagnes aux côtés de Kosciuzko, dont il fut l’aidé de camp et dont il partagea la captivité ; il fut plus tard secrétaire du Sénat polonais et finit sa vie comme émigré à Paris.
  2. Jules Slowacki, contemporain, cadet et rival de Mickiewicz, ami de Krasinski, auteur du Cordian, de Beniowski, d’Angelli, de la Balladyne, du Songe d’argent de Salomée, du poème En Suisse et de plusieurs volumes de poésies lyriques, naquit à Krzemeniec en 1809, vivait depuis 1831 comme émigré à Paris ; il voyagea en Suisse, en Italie, en Grèce, en Palestine et en Égypte, fut d’abord un romantique exalté et byronisant, devint, sur la fin de sa vie, un mystique et un towianiste, et dans ses dernières œuvres (la Genèse de l’Esprit, le Roi Esprit) prêcha la renaissance des esprits sur la terre, la métempsycose, dans le goût de Leroux et V incarnation des idées dans des personnes et des peuples (après une suite d’existences successives dans les organismes inférieurs, à commencer par les minéraux et jusqu’à l’homme).
  3. Sigismond Krasinski, le troisième grand poète polonais après Mickiewicz et Slowacki, une personnalité sympathique et une âme lumineuse, naquit en 1812. Il appartenait à une grande maison affidée au gouvernement russe ; après l’émeute de 1830, emmené par son père à Saint-Pétersbourg, il dut entrer au service russe, mais heureusement, à la suite d’une maladie d’yeux, il put partir à l’étranger et vécut à Rome, à Vienne, à Paris, à Nice, en Allemagne. Pendant sa vie, ses œuvres, où il exprimait de profondes pensées en une forme exquise, paraissaient, par considérations de famille, sans nom d’auteur, et il fut longtemps connu sous le nom du Poète anonyme de la Pologne. Parmi ses œuvres les plus célèbres, nommons : la Comédie infernale, Iridion, la Nuit d’été, V Aurore, Béatrix, et les célèbres Psaume de bonne volonté et Psaume de la pitié, sans parler d’une série de poèmes et de poésies lyriques. Vers la fin de sa vie, il se brouilla avec son ami Slowacki à cause de leurs opinions politiques et religieuses respectives. On trouve la trace de cette querelle d’opinions dans les œuvres des deux poètes, qui y firent entendre leur désenchantement réciproque. Il mourut en 1859.