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l’absence de Mme Sand, si elles ne la volaient pas ouvertement, n’en portaient pas moins un grand préjudice à ses intérêts. Toute une série de lettres d’Hippolyte à sa sœur est remplie de la plus minutieuse révision de toutes ses affaires et de son budget. Chatiron y invitait sa sœur à s’installer définitivement à Nohant, mais les essais faits précédemment — et peut-être aussi l’impossibilité pour Chopin de quitter Paris cette année — forcèrent Mme Sand d’abandonner l’idée de passer avec sa famille l’été de 1840 à Nohant. Le 22 janvier 1839 déjà, à propos de la vente d’un petit bois, Mme Sand écrivait à son frère :

Cher ami, je viens d’écrire à Duteil et de le charger expressément de vendre « Côte-Noire » ou du moins d’y aider de tout son pouvoir…

… Vends des arbres aussi, le plus que tu pourras, et ne t’inquiète pas de mes enfants, les arbres ont le temps de repousser avant qu’ils aient à voir en affaires, je ne suis pas tutrice pour eux, mais propriétaire pour moi, et comme ce n’est pas pour mes plaisirs, mais pour leur santé et leur éducation que j’ai besoin d’argent, s’ils avaient le malheur de compter avec moi, je n’aurais à me reprocher que de leur avoir donné apparemment des sentiments vils. Ce n’est pas sur cette pente-là, Dieu merci, que je leur apprends à marcher, et je n’ai pas d’inquiétude sur mes rapports avec eux à l’avenir. Si Duteil s’obstinait à te contrecarrer, ce serait par bonne intention et il n’y aurait pas à discuter ; mais il faudrait passer outre, comme tu dis, car l’état de vie que je mène ne peut durer. Jusqu’ici je n’ai vécu que de mon travail et je suis fatiguée. J’ai fait des tours de force dans ce genre, mais il y a six ans et plus que cela dure, et je n’y pourrais plus tenir, surtout donnant à mes enfants six heures de leçons au moins par jour. Le grand profit pour eux, c’est que je les instruise et que je ne meure pas à la peine. Il faut donc absolument libérer mes revenus. Je t’en charge ; c’est presque ma vie qui est en question, je t’assure qu’il faut que je sois de fer pour résister à ce que je fais…[1].

Après avoir passé l’été de 1839 à Nohant, George Sand dut se convaincre que si les revenus n’augmentaient pas, ses dépenses, tant par rapport à l’éducation de ses enfants que par rapport à la gestion de sa maison de campagne, toujours pleine d’invités, ne faisaient que s’accroître de jour en jour, et qu’au bout du

  1. Inédite.