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Dans Carl, l’auteur touche au problème de la vraie vocation artistique qui se manifestera toujours, même si elle est persécutée ; alors elle prend parfois la forme d’hallucinations artistiques, ou même de somnambulisme. C’est ce qui arrive au petit malade Cari, le fils d’un aubergiste tyrolien. Une fois, tout petit enfant, Cari entendit le jeu d’un maestro qui, pendant un voyage, s’était arrêté dans leur auberge. Cela éveilla d’emblée son talent endormi. Il aurait volontiers appris la musique, si son père, avare et ignare, n’eût de toutes ses forces arrêté ses élans artistiques. Mais le garçon commença à dépérir, à languir ; le jour, il paraissait oppressé et presque imbécile, inapte à toute besogne, et la nuit, pendant ses promenades somnambulesques, il chantait tout ce qu’il avait entendu beaucoup d’années auparavant. Un ami du feu maestro prit le petit Cari à son service et par hasard fut témoin de ses nocturnes et fantastiques promenades par monts et par vaux, pendant lesquelles Cari chantait et rechantait une phrase musicale de son ami le compositeur. (George Sand fait, à cette occasion, réapparaître chaque fois, au milieu de son texte, une ligne de musique, écrite pour elle par Halévy.) Grâce à cette phrase musicale, l’ami du compositeur mort se prend d’intérêt et de pitié pour le pauvre garçon, s’aperçoit de son talent, le sauve de quelque maladie finale et de l’imbécillité qui le menace, s’il reste dans un milieu qui l’opprime, et Carl devient un musicien.

George Sand touchait souvent au problème de la naissance et du développement du talent ; elle peignait l’ambiance indispensable à sa croissance et montrait combien dans un milieu bourgeois il lui était facile de périr. C’est ainsi que, tout au commencement de sa carrière, elle écrivit la Fille d’Albano, et à son déclin, le Château de Pictordu. Ici comme là, nous assistons au réveil inconscient du talent, qui, inconsciemment encore, lutte contre son entourage et ne s’échappe que grâce à d’heureuses circonstances ou parce qu’il devient conscient du vrai but de son existence.

Nous anticipons un peu sur les événements en parlant de Carl