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où Mme Sand et Chopin passèrent leurs plus heureux jours. Elle marque aussi les sentiments d’amitié que Dessauer et Mme Sand gardèrent l’un pour l’autre à travers une longue série d’années. Cette amitié reprit de plus belle après la visite que Dessauer fit à Mme Sand et à sa famille à Nohant, en 1863. Il redevint un intime de la maison, se prit d’une grande sympathie pour la jeune bru de Mme Sand, Mme Lina, et à partir de ce moment jusqu’à sa mort, il envoya tous les ans pour l’anniversaire de la grande romancière, tantôt un petit paysage crayonné d’après nature à Ischl ou à Gmunden, tantôt un bouquet de fleurs des Alpes, sachant que rien ne serait si doux au cœur du poète et botaniste, ex-Voyageur, que ces fleurs venues de son cher Tyrol.

Dessauer signait toutes ses lettres soit du nom de Crishni, soit de celui du vieux Favilla, car Mme Sand ne cachait point qu’il lui avait servi de modèle pour son Maître Favilla, vieux musicien amant de l’idéal, un peu fou, un peu hypocondriaque, héros de la pièce de ce nom, écrite vers 1851, dédiée à Dessauer, et d’abord intitulée Nello le violoniste, mais plus tard entièrement remaniée, jouée à l’Odéon, en 1855, sous son vrai nom de Maître Favilla et en dernier lieu dédiée à Rouvière[1].

Il nous semble pourtant qu’elle s’était inspirée déjà sinon de la personnalité, du moins des récits et des souvenirs du compositeur autrichien sur ses toutes premières impressions demi-enfantines, au milieu des montagnes de sa patrie et sur le premier éveil du talent dans son âme. Nous n’avons jamais pu relire la jolie bluette de George Sand, Carl, publiée dans la Gazette musicale en 1843, sans y sentir vaguement la réminiscence de vrais souvenirs, et sans penser que lorsque George Sand l’écrivait, elle devait indubitablement se trouver sous l’impression des récits de quelque musicien allemand ou autrichien, qui, ayant grandi dans les montagnes, avait réellement entendu dans la nature ce qu’un compositeur élevé dans une ville ne pourrait jamais entendre.

  1. V. plus loin chap. xi.