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ans auparavant Dessauer était venu le voir et, en se recommandant du nom d’ami de son frère, lui aurait demandé quelques lignes favorables pour son nouvel opéra Paquita. Mais en ce qui touchait à la lettre d’Auersperg, Henri Heine, au dire de Gustave lui-même, avait refusé de répondre et n’avait à toutes ses questions répété que ceci : « Je suis un mourant, je ne veux et ne puis aujourd’hui faire aucune polémique… »

Ainsi, le procès même ne servit pas à éclaircir la question, ni à faire connaître pour quelle raison Heine avait ainsi insulté Dessauer, et la prétendue diffamation attribuée à Dessauer doit être tenue pour une invention gratuite du poète.

Nous empruntons ces détails au livre du docteur Frankl-Hochwart qui dit encore, — en se basant sur les communications orales que son père fit trente ans plus tard au romancier Charles-Émile Franzos, et visiblement préoccupé de ne pas se prononcer contre Heine, — que l’opinion publique fut d’abord défavorable au poète, surtout après la publication des lettres de George Sand et d’Auersperg ; que la lettre de Mme Sand souleva comme une onde de respectueuse sympathie pour la grande romancière ; qu’on reprochait à Heine d’avoir fait cause commune avec un individu du genre de Saphir. Puis, après la mort du poète, comme cela arrive toujours, les regrets unanimes firent virer l’opinion en sa faveur. Ce même respect pour sa mémoire et le désir d’atténuer l’impression pénible produite par une action si basse du grand méchant malade animèrent sans doute le docteur Frankl lui-même ; malgré son amour inné de la vérité, il s’efforce de concilier l’inconciliable.

Nous nous sommes, comme toujours, tenu aux documents. Ils confirment qu’en toute cette histoire, Heine fit preuve d’une incompréhensible rancune contre Dessauer. Il ne voulut pas avouer franchement que, par amour pour les bons mots et fort légèrement, il fut l’auteur du potin, et finalement il se fâcha lui-même, lorsque son bavardage fut réfuté. Il attaqua Meyerbeer et Dessauer dans un nouveau pamphlet très indécent (le Wanzerich) et en même temps il se plaignait d’être leur victime dans ses lettres à Kampe (28 août 1855).