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Effectivement, dans le numéro du 29 août du Fremdenblatt, dirigé par Gustave Heine, parut une Lettre de Heine à son frère Gustave, précédée d’une petite préface dans laquelle Gustave Heine disait avec insistance que la position pécuniaire de Heine avait été brillante dans les années en question, que lui, Gustave, pouvait réfuter tout cet épisode d’emprunt d’argent, mais qu’il préférait donner la parole à Henri.

Quoique les questions d’argent et les explications d’assez mauvais goût qui jouent un trop grand rôle dans toute cette polémique, nous soient grandement antipathiques et doivent également ennuyer le lecteur, nous nous permettons néanmoins de citer la lettre de Heine en entier. Il s’y trouve d’abord quelques passages assez vagues, visiblement introduits avec intention par l’auteur (et non moins expressément omis par M. Sack dans son article cité). Mais quant au fait principal, cette prétendue indiscrétion de Dessauer, à laquelle Saphir et Heine attribuaient uniquement le courroux quasi légitime du poète contre le musicien, Heine ne put rien dire de précis.


Très cher frère,

Je viens de recevoir ta lettre. La tête malade après une mauvaise nuit, je ne puis te répondre que fort brièvement et le strict nécessaire. L’assertion que je me serais adressé en 1842 au musicien et rentier Dessauer, afin de lui emprunter de l’argent, que je l’aurais fait avec l’intention de ne jamais le rendre, comme cela serait dans mes habitudes, et qu’enfin j’aurais, sur la voie publique et comme de raison sans témoins, menacé de ma plume ledit musicien et rentier et lui aurais déclaré qu’il se repentirait un jour de ne pas m’avoir prêté cinq cents francs est fausse.

Tu te trompes en croyant qu’une misère pareille, qui porte au front l’empreinte de l’invention rancunière, eût besoin d’être démentie de ma part, mais je t’autorise volontiers à la réfuter pour la tienne.

Je possédais, en 1842, certainement le triple dudit M. Dessauer, prétendu si riche. Mais je pouvais néanmoins me trouver parfois momentanément dans un embarras d’argent et m’être adressé à un capitaliste musical qui faisait, entre autres et par vieille habitude commerciale, une petite affaire, certes rien qu’en qualité d’un secret « bailleur de fonds », de serviteur musical de quelque éditeur philanthropique qui, en