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et de sa traduction textuelle au verso, avec l’explication de quelques termes allemands qui ne peuvent être qu’imparfaitement rendus en français, comme mundfaulst, prahlerisch, Umgang, etc…

George Sand répondit immédiatement par la lettre suivante :


Nohant, près La Châtre (dép. de l’Indre).
23 novembre 1854.

Non, non, mon cher Dessauer, je n’ai jamais cru, je ne croirai jamais que vous avez raconté ou donné à entendre une fausseté quelconque sur la nature de mes sentiments pour vous. Je vous sais honnête homme, cœur généreux et ami fidèle. Je sais comme notre pauvre et cher ami Chopin vous aimait et vous estimait. C’est par lui que j’ai été fraternelle avec vous dès le premier jour, en toute confiance, appréciant ensuite jour par jour votre beau talent, votre intelligence d’élite et votre honorable caractère. Est-ce là un certificat en bonne forme ? Je vous le donne avec empressement, avec joie, et je vous autorise à vous en servir d’un bout du monde à l’autre, quand cela devrait me brouiller avec mon ancien ami Henri Heine et m’attirer à moi-même les tristes injures qu’exhale cette âme souffrante, digne pourtant d’une meilleure fin !

Oui, venez me voir à Paris, si j’y suis, car j’y vais rarement et j’y reste peu. Mais si je n’y suis pas, venez me voir à Nohant, je le veux. Prenez le chemin de fer d’Orléans et Châteauroux. Vous serez à Châteauroux en huit heures au plus, et à Nohant par la diligence deux heures après.

Je demeure à Paris, rue Racine, n° 3. Informez-vous de moi. Mais j’aimerais mieux ne pas y être et vous avoir quelques jours ici. J’ai un bon piano et j’entendrais avec tant de plaisir, non pas seulement notre fameux Crishna, mais ces beaux lieds dont le souvenir m’est resté si bon ! Mon pauvre frère qui vous aimait tant est mort aussi !

Mon fils Maurice est près de moi et me charge de vous embrasser. C’est à présent un homme de trente ans et toujours un excellent enfant.

À vous de cœur.

George Sand.

Profondément touché, par ces simples, franches et cordiales paroles, venant d’une grande âme, Dessauer répondit immédiatement à son tour par la lettre que voici :