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Dessauer il ne méritait ni le mépris, ni la haine, ni les allusions blessantes et venimeuses que Heine lui prodiguait en prose et en vers.

L’animosité de Heine serait absolument incompréhensible, même si Dessauer eût réellement été une parfaite « nullité ». Mais il n’en était rien. L’amitié et l’affection de Chopin, — qui le tutoyait[1], — les lettres et souvenirs de George Sand, de M. et Mme Viardot et l’article de Bauernfeld[2], nous le présentent sous les traits d’un musicien adorant son art, d’un compagnon charmant, enfin d’une nature d’artiste extrêmement sympathique et attrayante, diversement douée. Il faisait des vers, il dessinait fort bien, étant surtout passé maître dans les croquis des chats[3] ; il était un pianiste excellent, mais avant tout, c’était un vrai et sérieux musicien, pénétrant profondément les grandes œuvres des vieux et des nouveaux maîtres et jouant de mémoire et à la perfection des partitions entières. En présence et sur la prière de Chopin, c’est surtout des actes entiers de Don Juan de Mozart, son Requiem et les opéras de Weber et de Meyerbeer qu’il exécutait souvent ainsi. Bauernfeld donna de Dessauer un portrait très sympathique dans un article intitulé : Maître Favilla. Il raconte que ce fut Chopin qui présenta Dessauer à George Sand. Cette présentation eut lieu immédiatement après l’installation à Paris de Chopin et de Mme Sand, avant que Chopin ait quitté la rue Tronche ! La lettre suivante retrouvée dans les papiers de Mme Sand le prouve :

Monsieur Frédéric Chopin,
5, rue Tronchet.

Mon cher ami, je viens de recevoir une invitation à dîner pour aujourd’hui de Mme Sand, que, malheureusement, il m’est impossible

  1. Il lui dédia ses deux admirables Polonaises, op. 26.
  2. Bauernfeld, l’un des plus célèbres poètes de la « Jeune Allemagne », naquit le 13 janvier 1802 à Vienne, mourut le 9 août 1890 dans cette même ville.
  3. Déjà sur le tard de sa vie, il composa une fois tout un roman humoristique en vers, ayant pour sujet la vie des chats, qu’il accompagna de dessins autographes. Ces illustrations méritèrent, au dire de Bauernfeld, une entière approbation et les éloges du célèbre peintre et dessinateur Moritz Schwindt.