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ment longues quantité de dames et de demoiselles, étaient répandues et célèbres, de sorte que la phrase de Heine sur les dames qui « avalent des araignées » pouvait être comprise dans un double sens. Puis Heine avait tant de fois parlé dans la presse et dans ces mêmes Lettres parisiennes de l’amour de la réclame, de la vanité et de la vantardise de Liszt que tout lecteur, peu au courant de l’époque, pouvait aisément être induit en erreur et croire que toutes les épithètes peu flatteuses adressées au « compositeur en un idiome de charabia » et à l’ « insecte vantard » se rapportaient au Hongrois Liszt. (On sait qu’il existe chez les Allemands autant d’anecdotes sur la prononciation et le parler allemand des Hongrois qu’il y en a en France sur les Auvergnats ou les Allemands parlant français.) D’autre part, le lecteur plus renseigné des Lettres parisiennes et des Esquisses musicales de Paris peut deviner que toutes ces jolies choses ne se rapportent pas à l’ « araignée Liszt », mais bien au compositeur viennois Joseph Dessauer, outrageusement éreinté et haï par Heine depuis bon nombre d’années, et auquel il consacra dans ses Esquisses des lignes vraiment horribles, indécemment grossières et offensantes pour l’auteur bien plus que pour sa victime. Eh bien, cette nouvelle sortie calomnieuse de Heine contre Dessauer, traîtreusement jointe, on ne sait trop dans quel but, à la réparation quasi sérieuse d’un propos tenu sur Liszt, devait blesser George Sand. Elle ne pouvait pas en croire capable son vieil ami Heine.

Certes, comme valeur musicale, Dessauer ne peut pas être mis à côté de Chopin, et de Liszt ; ses opéras sont oubliés. Par contre ses romances jadis chantées par Mmes Malibran, Viardot, Unger-Sabatier et autres cantatrices célèbres et restées jusqu’à nos jours dans le répertoire des concerts, en sont parfaitement dignes par leurs qualités poétiques et musicales et ne justifient nullement l’épithète de miserabelst[1]. Quant à

  1. Ces Lieds avaient mérité les plus grands éloges de la part de Schubert et du poète Nicolas Lenau qui les trouvait même trop délicats pour la foule « qui a de si grandes oreilles », disait-il après la représentation du premier opéra de Dessauer, en 1839.