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assura qu’aucun des biographes de Heine n’avait encore touché à cet épisode ; il cita beaucoup de vieux journaux et d’éditions plus récentes ; à l’instar de Heine, il afficha pour Dessauer une animosité méprisante et déjà absolument malséante de sa part. Mais il tint pour non avenue la correspondance d’Anastasius Grün — qu’il a pourtant citée — et il n’éclaircit point les sources de rancune.

Il est à croire qu’il sera en général impossible de retrouver à présent cette source première. Mais quant au finale de l’histoire, à ce potin calomnieux de Heine, qui fournit en 1855 matière à une polémique de journaux, au procès entre Dessauer, Saphir et Heine et força George Sand à défendre Dessauer, il nous semble que d’une part, grâce à ces mêmes documents dont usa partiellement et partialement M. Sack (mais sans cette fois omettre certains passages très importants pour l’histoire et très intéressants) et d’autre part grâce aux documents inédits que nous sommes en état de lui soumettre, le lecteur jugera lui-même, et ce jugement, nous semble-t-il, ne sera pas en faveur de Heine. Du reste, les questions de ce genre se jugent selon l’éducation et les habitudes de chacun. Et voici maintenant les attendu de ce procès moral :

Toujours dans cette même notice ultérieure sur George Sand, ajoutée en 1854 à l’article de 1840 sur Cosima, Heine écrivit les lignes imprudentes que voici :

… Avec ses tendances point canoniques, elle n’a certes point de directeur de conscience, mais comme les femmes, même les plus engouées d’émancipation, ont toujours besoin d’un guide masculin, de l’autorité masculine, George Sand aussi a quelque chose dans le genre d’un directeur de conscience littéraire dans la personne du capucin philosophique Pierre Leroux. Ce dernier a une influence pernicieuse sur son talent, parce qu’il l’induit à se lancer dans des divagations obscures et dans des idées à moitié couvées, au lieu de s’adonner aux délices des créations concrètes et pleines de couleur, en faisant de l’art pour l’art. Des fonctions bien plus laïques furent confiées à notre bien-aimé Frédéric Chopin. Ce grand musicien et pianiste fut pendant longtemps son cavalier servant ; elle lui donna le congé peu avant sa mort, mais effectivement son poste devint dans le dernier temps une sinécure.