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moins une certaine froideur se manifesta entre les deux cousins, et leurs relations n’eurent plus la franchise cordiale d’autrefois. Du moins de part et d’autre nous entendons quelques plaintes qui témoignent d’un certain mécontentement et de certaines vexations. La faute en est, nous semble-t-il, toujours à cette « méchante langue » de Heine, que George Sand « ne craignait pas » jadis, mais dont le poète aurait pu dire justement : « ma langue est mon ennemie. » Dans cette occasion-ci, cette langue lui joua un mauvais tour. Et la victime de cette calomnie fut le compositeur jadis connu, Joseph Dessauer.

Heine voua à Dessauer et à Meyerbeer une rancune incompréhensible ; il les poursuivit pendant de longues années, en prose et en vers ; ces poursuites se terminèrent par un procès judiciaire, intenté par Dessauer et ses amis. Cette histoire fut plusieurs fois effleurée par la presse et toujours on s’efforça d’expliquer cette rancune par des motifs matériels assez vilains. Les uns assuraient que Heine aurait voulu un beau jour emprunter de l’argent à Dessauer qui était dans l’aisance, et que celui-ci aurait refusé. Heine aurait caché son dépit, mais se serait dès lors vengé. D’autres prétendent que Dessauer aurait cherché protection auprès du frère de Heine, Gustave, journaliste à Vienne, pour l’un de ses opéras manqués, et ne l’ayant point obtenue, se serait vengé après coup, pour toutes les méchantes sorties d’antan de Heine, en l’attaquant, avec l’aide de plusieurs amis, dans les journaux en 1855, et en lui intentant un procès pour calomnie et outrage.

Enfin tout dernièrement encore, — probablement à l’occasion du centenaire alors prochain de George Sand, — un certain M. Y. Y. émit dans une brève, mais fort sérieuse Notice, parue dans la Gazette de Francfort en 1904[1], la conjecture que Heine aurait peut-être été jaloux de Dessauer. Un autre journaliste, M. Sack, répondit à cet article dans les colonnes de cette même Gazette de Francfort[2]. Il reprocha à M. Y. Y. sa conjecture qui lui parut toute gratuite et audacieuse. Il

  1. Frankfurter Zeitung den 26 Juni 1904, N° 134.
  2. Ibid., Freitag den 12 August. 1904, N° 223.